Nordeste, un film d'une heure et demie, repose sur la dualité, sur l'antagonisme, sur le double, la part sombre de la vie mais aussi le côté lumineux La troisième édition du cycle de cinéma dédié cette année à l'Argentine s'est tenue sur quatre jours successifs depuis dimanche dernier dans la salle Al Hambra. Quatre films donc ont été programmés au cours de ce cycle, à savoir Medianeras, Nordeste, L'homme d'à côté et Carancho. Nordeste, le film du réalisateur Juan Solanas, a été projeté lundi dernier en présence d'un grand nombre de cinéphiles. Sorti dans les salles en 2005, ce long métrage raconte l'histoire de la Française Hélène, quadragénaire, qui a sacrifié toute sa vie pour sa carrière professionnelle comme déléguée médicale. Encore célibataire à cet âge avancé, elle décide de devenir mère. Elle part alors en Argentine à la recherche d'un enfant à adopter à tout prix, même d'une façon illégale. Elle s'installe au nord-est du pays, une région caractérisée par sa beauté naturelle. Commence dès lors une série de difficultés à affronter. Décidée à aller jusqu'au bout de son objectif, elle multiplie les tentatives pour avoir un enfant et elle découvre au fur et à mesure de sa quête les problèmes d'une société qui souffre et où le système corrompu des autorités, le trafic des enfants, l'injustice sociale et la misère règnent malgré la richesse naturelle de la région. A travers des rencontres et des amitiés nouées avec les voisins, elle fait la connaissance de la belle Juana, menacée d'être expulsée de sa petite maison par les autorités, qui se bat pour sauver sa petite famille et décide d'avorter, faute de moyens et en raison de la médiocrité de la vie. Le réalisateur nous présente dans ce film deux portraits de femmes complètement opposés, deux mondes différents. Carole Bouquet, qui incarne le rôle d'Hélène, est une femme plutôt fade, pâle, sans maquillage, elle reflète une certaine inquiétude face à cette réalité amère qu'elle découvre. Des scènes qui focalisent souvent sur son regard méditatif, ses contemplations, des postures parfois figées qui traduisent ses doutes face à ce monde laid. Juana, quant à elle, est une belle femme, pleine de vie. Elle lutte contre l'injustice sociale et la misère, essayant de sauver son foyer et son fils aîné, Marion, un écolier que les malfrats et les mauvais garçons qui le fréquentent essayent de détourner du chemin de l'école. Cette alternance entre les deux histoires souligne le décalage entre deux mondes tout à fait opposés. Le premier est fascinant, le second plutôt laid. Les belles images panoramiques que le réalisateur ne cesse de mettre en relief s'opposent à la réalité affreuse, à la misère et à la vie des habitants de la région. La misère devient le moteur catalyseur de l'intrigue événementielle du film. Elle mène à toutes ces corruptions et tous ces trafics. On assiste dans ce film à un jeu de dualité bien maîtrisé. L'intrigue repose alors sur le conflit entre ces deux pôles de déchirement qui donnent du dynamisme à ce film. La rencontre avec le double, l'autre face de la réalité amère, est en effet le miroir de la vie. Ce duo de la beauté et de la laideur jalonne tout ce «documentaire» et invite le spectateur à partager avec la protagoniste Hélène sa quête qui se transforme en une quête d'identité. Un film qui oscille entre le rêve (des scènes magnifiques, des moments de contemplation dans la nature), que nous fait découvrir le réalisateur comme si l'on était en train de feuilleter un album de cartes postales, et l'autre côté sombre d'une réalité amère.