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D'un livre qui tombe à point
Rencontre avec Ali Belarbi, auteur de «Les politiques culturelles que nous prônons»
Publié dans La Presse de Tunisie le 04 - 12 - 2017

Sans conteste, ce livre est le résultat d'une recherche considérée parmi les plus importantes de ces dernières années. Pour une raison majeure déjà : cet ouvrage du Dr Ali Belarbi intervient — ô combien — à bon escient. A temps. Longtemps que la question culturelle ne s'est posée avec une telle urgence, une telle acuité. Le contexte des «révolutions arabes» et de la dérive terroriste l'explique à coup sûr ; partout, à des degrés(et, ou, des intérêts divers)nos pays redécouvrent les «béances» de décennies passées à négliger, voire à ignorer l'apport de la culture dans le processus de développement.
Le cas de la Tunisie diffère néanmoins. C'est ce qui a motivé davantage le travail du Dr Ali Belarbi. Ici — souligne-t-il de prime abord — le background culturel remonte à bien plus loin. Ce qui explique que la pensée et la théorie de la Culture ont de tout temps aidé à réagir aux «situations de crise».
Il y a eu les grands mouvements intellectuels de la résistance au protectorat et de la lutte pour l'indépendance : de Elkhedher Hassine, à Guellati, Tahar Haddad, Béchir Sfar,Mohamed Snoussi, les frères Bachhamba, à Tahar et Fadhel ben Achour, à Messaâdi et à bien d'autres, cités dans le livre. Il y a eu la phase historique de l'indépendance et de l'édification avec ses penseurs et ses bâtisseurs. Epoque féconde, peu préservée, «contredite» même, hélas, pendant «le triomphalisme» du régime de Ben Ali,avec les errements et les dilapidations que l'on sait.
Avec les silences aussi. Les longs silences, 23 ans durant, de toute une intelligentsia culturelle. Fait sans précédent dans l'Histoire du pays.
«Les politiques culturelles que nous prônons» du Dr Ali Belarbi vient donc rompre avec un mutisme qui n'aura que trop duré.
Et il tombe d'autant mieux à point que (autre raison majeure) l'auteur y était tout destiné. Homme de culture et de science, universitaire de rang, qui plus est, haut commis de l'Etat, rompu aux tâches et responsabilités de la culture, des arts, de l'audiovisuel, de l'information. La liste est longue. Et l'expérience prouvée et éprouvée. L'ouvrage en découle droit :dense, méthodique, riche en questionnements. Une rencontre s'imposait. Interview.
Un essai de plus de 300 pages couvrant 70 années de culture et de politique culturelle en Tunisie : énorme travail Sid Ali ! A ce jour, disent les spécialistes, sans réel équivalent. On ne peut ne pas s'interroger sur ce qui vous y a poussé. Est-ce un souci d'Histoire ? Est-ce le besoin de retracer le parcours d'un intellectuel haut commis de l'Etat ? Est-ce l'époque controversée que nous vivons ?
Ni l'une, ni les autres suppositions, mais les trois à la fois. Car lorsque l'on a vécu comme moi la magnifique épopée de réussir à doter mon pays d'une vraie politique culturelle auprès de grands bâtisseurs de cette politique de la culture, et de partager, à la fois, les espoirs qui les enchantaient et les doutes qui les hantaient, l'on ne peut, en fin de compte, que vouloir tant en écrire, au moins l'histoire. L'histoire de tant de réussites évoquées à travers le livre. Parce que comme le pensait si bien Marc Netter dans «Approche d'une politique culturelle», la culture n'est finalement qu'engagement. Elle n'est jamais un site que l'on visite, et le but de l'action culturelle n'est nullement de transformer un peuple en «public moutonnier», fût-ce un grand public, un public de masse, mais, plutôt, «de transformer tout public en peuple...».
Et l'Histoire d'un peuple en marche vers la réalisation de son rêve ne peut, en aucune façon, transformer les rêves d'un peuple en fantasmes. Elle doit lui éviter les écueils qui risquent de contre carrer une marche qui ne cherche qu'à réaliser des succès, à s'entêter comme Sisyphe à pousser son destin vers les hauteurs. A réussir,rien que réussir les engagements tumultueux, certes, mais salvateurs en fin de compte
En termes plus simples, à aller toujours vers l'avant comme le faisaient si bien,et entreprenaient avec réussite les Klibi,Messaâdi, B. Ben Slama, Boularès et leurs autres collègues.
L'ouvrage, prolifique et méthodique, s'adresse sans aucun doute à une minorité de chercheurs ou à des lecteurs avisés, si vous aviez à le résumer, juste pour en donner l'envie à un plus large public, qu'en retiendrez-vous d'essentiel, de plus important ?
Pas seulement aux spécialistes, je le destine à tout le monde. Pour le résumer, j'en retiendrai les moments forts de cette épopée culturelle :
– Bâtir avec Chedly Klibi les législations, les principales structures de l'action et la production culturelles, ainsi que ses équipements et ses principales infrastructures : maisons du peuple et de la culture, une maison par ville et village, et le réseau des comités culturels régionaux (cité en exemple par les penseurs du développement culturel à l'Unesco).
– Ensuite, mettre le tout en orbite avec Mahmoud el Messadi qui lui a donné une âme, et lui a apporté le terrible souffle de la vie culturelle intense.
– Puis, lui procurer les moyens à la fois organisationnels pour subsister, vivre et survivre, et financiers nécessaires,jamais superflus, pour créer,se doter d'esthétique et s'embellir, imaginés et trouvés par Béchir ben Slama
Le noyau dur, le fin fond de la réflexion dans votre livre se détecterait, finalement, à travers un double constat : le besoin de culture n'aura «éclos» en Tunisie que pendant les périodes militantes : lors de la lutte pour l'indépendance, et pendant la phase (bourguibienne) d'édification de l'Etat. Et il n'aura régressé, que lorsqu'il y a eu de moins en moins de militantisme et de moins en moins d'édification et d'Etat. On pense à «La tragédie grecque» de Nietzsche,qui «ne prospéra qu'en temps de crise», et qui «tomba dans la fadeur» dès qu'Athènes fut toute puissante...
Cela me rappelle «Le sens de la puissance» de Georges Balandier quand il magnifiait la pensée de Nietzsche, et «La dialectique du voile» de Jean Duvignaud quand il tentait d'expliquer l'essence de la pensée et de l'action de Bourguiba.
Oui, la culture est à la fois pensée et action qui ne s'accompagnent et ne se solidifient que dans les moments forts des peuples en marche pour forcer leur destin. La culture atteint alors des moments de grande euphorie. Mais se fane lorsqu'on ose la trahir,ou lorsqu'on veut contrarier son redressement, ou la travestir par des retours insensés en arrière, aux abîmes de l'Histoire.
Et cela rappelle, encore une fois, dans la mythologie grecque, Sisyphe et son combat perpétuel avec les sommets à atteindre, même si les forces contraires et ennemies du progrès tirent les peuples vers le bas et les «bas fonds» (de Maxime Gorki s'entend) des méprises de l'Histoire.
Une culture flamboyante est une culture vécue, créée et recréée envers et contre tous ceux qui veulent la ternir des fantasmes du passé ressuscité, même si peu ou prou glorifié.
En définitive, le mode, dans ce livre, est celui, en premier lieu, de la marche vers la construction, plutôt que de la ressuscitation, d'une véritable vie culturelle propre, dépossédée lors de la colonisation et partant réaliser, en second lieu, les instruments et les moyens de la promouvoir continuellement, sans répit, pour, en dernier lieu, lui procurer,sans cesse et sans entrave aucune, les ressourcements nécessaires à son épanouissement durable
On a lu toutes les «critiques» faites à votre livre. Quelques-unes paraissent un peu légères, parlons-en si vous le voulez, exemple du «reproche» que vous fait notre confrère du journal électronique «waqaie» de «ne pas avoir révélé les vraies raisons de la création du ministère de la Culture par Bourguiba». Mais il en est une qui nous interpelle en particulier :celle du même confrère vous faisant observer votre «extrême retenue» quand vous abordez le travail de vos «anciens supérieurs hiérarchiques».Une certaine «obligation de réserve»vous habiterait encore. Un vieux «réflexe de crainte». Que répondez-vous ?
Je respecte toutes les lectures que les critiques font de mon livre. Une fois mise entre les mains des lecteurs, toute œuvre littéraire n'appartient plus à son auteur qui s'en dépossède au profit des différentes réflexions et libertés d'expression. L'auteur peut, tout au plus, tenter d'expliquer ce qui lui semblerait ne pas s'accorder à sa pensée, mais jamais haranguer ceux qui, parmi les critiques, tentent d'exprimer un avis contraire. Toute œuvre est susceptible de plusieurs lectures, libre à ceux qui expriment un autre point de vue. Cela ne peut que glorifier l'œuvre. Même si des esprits supposés malins cherchent pour «des raisons apparentes ou tues» à l'anéantir, c'est à l'ensemble des lecteurs de tirer le vrai du vraisemblable, et la vérité de l'erreur d'appréciation. Cela dit, je pense avoir exprimé le vrai sans prêcher le vraisemblable, sans aucune retenue ni compromission avec qui que ce soit, fût-ce les ministres avec qui j'ai travaillé et que je respecte, tous sans distinction.
On comprend clairement à la lecture de l'essai qu'il y a eu (sauf l'intermède Hédi Nouira de 72 à 79) d'un côté les trois décennies des ministres «bâtisseurs» (56-86) pourvus d'une réelle politique culturelle, et de l'autre les deux décennies Ben ali (90-2010) et les 7 années de la révolution où les ministres qui se succèdent paraissent ou ne pas être totalement «maîtres des lieux», ou ne pas détenir de vision culturelle à proprement parler. Quelles sont les raisons de cette «cassure» ? Vous n'êtes pas tout à fait explicite sur ce point.
Après la révolution du 17 décembre-14 janvier, la vie culturelle tunisienne s'est libérée de tout joug, et décloisonnée de toute emprise. Diriger le ministère est devenu alors entreprise d'enchantement réel, au sein de l'ambiance de liberté débordante, mais salvatrice. Six ministres d'horizons divers pour les trois premiers (surtout universitaires), et d'horizon artistique pour les trois suivants, même si l'université ne leur était pas du tout étrangère, se sont succédé à la tâche.
Les approches de la question de la politique culturelle des uns et des autres n'étaient pas concomitantes. Mais au «leurre» des tout premiers a succédé «l'heur» des suivants» qui ont fini par des chemins différents, par obtenir des résultats probants, notamment quand leur action a été épaulée par des ministres des finances compréhensifs, voire conciliants avec la Culture. D'où la fameuse loi sur le mécénat culturel, d'où la décentralisation de l'action culturelle. D'où, aussi, le projet de loi relatif au statut de l'artiste
Si bien que ma manière d'analyser leur action n'a été aucunement négative comme vous semblez l'insinuer dans votre question. J'ai, tout en approuvant le bien-fondé de leur action et de ses résultats, simplement regretté que le temps qui leur a été laissé a été très court pour leur permettre de mieux faire.
D'ailleurs, les trois ministres, artistes et musiciens, se sont bien mêlés d'actions culturelles (Festival de Carthage, s'entend). Ils ont bien compris ce qu'ils devaient faire pour redresser la vie culturelle et la sortir de l'ornière où elle s'est engrenée durant les premiers mois d'incertitude marqués par les déraillements d'un ministère qu'imprimaient les aléas d'une révolution non dirigée, malmenée par des équipes gouvernementales pas encore aguerries, qui ne leur permettaient pas d'être «maîtres des lieux». Je ne pouvais pas, dans le feu non attisé, de l'action révolutionnaire, être plus explicite. J'ai laissé au temps des conclusions constructives le temps de mieux analyser et appréhender les réalités culturelles pour pouvoir les juger.


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