La nature ou plutôt l'art a horreur du vide... Il fallait fouiller et extraire de ce terrain des mines de sensations. Il fallait, malgré les vanités du temps, être persuadé que toute rencontre est d'abord amour. C'est dans la cité des mines, en 2014, que les Rencontres du film documentaire de Redeyef (Rfdr) ont vu le jour et la lumière magique du 7e art. Organisées par l'Association Nomad 08 et par la Fondation Rosa Luxembourg, ces Rencontres, qui se dérouleront du 20 au 24 décembre, mettent en chantier un cinéma magnétique pratiqué dans le sein d'une terre dont les mines germant le fer, les métaux, les combustibles enfantent aussi la beauté, les rêves et les rencontres possibles. Soyons réalistes, demandons l'inaccessible Redeyef est d'abord un terrain rude et dur, impulsif et convulsif de par son filon contestataire, il est miné et usé par l'aridité culturelle, et surtout par l'absentéisme de l'Etat. Dans cette terre sans ressources, la culture et l'art sont embourbés dans la poussière et l'oubli. Mais la nature ou plutôt l'art a horreur du vide... Il fallait fouiller et extraire de ce terrain des mines de sensations. Il fallait, malgré les vanités du temps, être persuadé que toute rencontre est d'abord amour. Ces Rencontres ont justement fait preuve d'amour, en initiant le public à ce genre de manifestations et en montrant que «l'éducation» cinématographique a pour mission de former les citoyens. Ainsi, elles ont infusé du sang neuf et frais en tentant de forger des spectateurs conscients de cet exercice et de cet apprentissage qui immunisent contre toute forme de parasite «intellectuel». Attention, le cinéma c'est contagieux ! Pour les organisateurs, comme pour le directeur artistique, il s'agit d'un combat culturel, un combat de terrain fait de sueur et de lueurs... d'espoir. «Oui c'est un défi», nous affirme Alaeddine Slim, directeur artistique des Rencontres et auteur du film The last of us, surtout qu'«il est essentiel en ces temps mouvementés de participer à faire montrer les chemins les plus lumineux à travers les films, les rencontres, l'apprentissage et à joindre les bouts éparpillés des autres terres». Il fallait justement créer un espace possible, ici et maintenant, et crier : «Parce que c'est possible... ailleurs». Possible de partager d'autres regards issus de différents imaginaires. Possible aussi de «programmer des films qu'on aime, qu'on défend à Redeyef». Le programme est éclectique ; les films locaux soient-ils ou étrangers interrogent les dessous de la condition humaine mais aussi sa fragilité tout en problématisant «les échos du monde» retentissants et son processus historique. Cette quatrième édition proposera aussi un ciné-concert, créé par le musicien et le compositeur tunisien Tarek Louati pour le film Le maître et le géant, de Johan Van Der Keukenn, éminent cinéaste hollandais qui a tourné ce film en 1980 entre les Pays-Bas et le Sud tunisien. Les rencontres abritent deux ateliers : un atelier d'initiation au cinéma documentaire assuré par le cinéaste tunisien Abdallah Yahya et un atelier documentaire sonore, par les deux ingénieurs de son, Moncef Taleb et Slim Jbeli. Finalement, Redeyef sera sondé, scruté et arpenté par trois cinéastes qui tourneront des films courts et qui partageront leurs expériences et leurs «regards» libres avec le public lors de la soirée de clôture. En dépit de la tortueuse réalité sociale de la région, ces Rencontres se veulent à l'encontre de la médiocrité et prouvent que résister c'est exister mais c'est aussi persister. Elles sont un lieu d'échanges entre des artisans fous de cinéma, d'un cinéma pur et sûr, éventé et «libéré», ancré au fin fond de la terre, où sa boue capricieuse se transformera nécessairement en or.