La galerie Alexandre Roubtzoff fondée en 2014 se propose de créer une vitrine virtuelle de l'art contemporain tunisien à travers un site de vente aux enchères. Un marché de l'art étant une rencontre transparente entre l'offre et la demande, Seïf Chaouch, le fondateur, passionné d'art et d'antiquités, affirme que sa nouvelle plateforme virtuelle contribuera à réguler le marché de l'art tunisien. Il nous en parle. Marsa Enchères est la première maison de ventes aux enchères en Tunisie spécialisée dans les œuvres d'art. Vous dites que cette structure est tant attendue par les amateurs d'art en Tunisie, pour quelle raison ? Parce que les gens en possession de tableaux et souhaitant les vendre n'ont pas de structure spécialisée pour estimer, expertiser et vendre au meilleur prix, cela peut se faire bientôt. Concrètement, comment allez-vous recueillir les œuvres ? Nous envoyons des mails dans lesquels nous précisons la date limite de clôture du catalogue, c'est-à-dire le dernier délai d'acceptation des œuvres. Comment comptez-vous les authentifier ? C'est un problème. Le pays n'a pas d'experts formés selon des normes internationales pour authentifier les œuvres d'art. C'est très grave, d'ailleurs, j'ai déjà envoyé plusieurs courriers aux ministres successifs de la Culture, en vue de les alerter sur ce déficit. Il faut former des jeunes à l'étranger pour protéger le patrimoine. La formation dure plusieurs années, elle est administrée à l'école du Louvre. Il faut que le pays se dote d'experts agréés. Le ministère de la Culture, avant de procéder à des achats, doit s'assurer de l'authenticité des œuvres en vue. Idem pour la restauration des tableaux. Il faut former des restaurateurs. Cela pourrait se faire à moyen et long terme, mais vous vous apprêtez à lancer votre site, de quelle manière allez-vous procéder pour authentifier les œuvres mises aux enchères ? En ce que me concerne, c'est moi qui prends mes responsabilités. Je fais le travail nécessaire pour contrôler depuis la provenance jusqu'au tri. Je procède à une sélection minutieuse et précise, quitte à mettre aux enchères cinq œuvres au lieu d'en soumettre dix. C'est ma devise. Dans toute vente aux enchères, il y a un commissaire priseur, pensez-vous faire appel à des commissaires priseurs ? C'est moi-même qui fais le travail. Pensez-vous qu'un public existe en Tunisie ? Il y a des intellectuels et des gens qui suivent les enchères sur des sites internationaux, des Tunisiens qui vivent à l'étranger, des tunisiens locaux, des étrangers. Il y a un public mais cela dépend aussi de ce qu'on met à la vente. Que pensez-vous de l'état actuel du marché de l'Art en Tunisie ? Il n'est pas bon, il est impacté par la crise économique. Le pays ne donne pas une bonne image de lui-même. D'un autre côté, nous ne pouvons pas exporter les œuvres. Il existe une clause dans la loi interdisant d'exporter des œuvres pour ne pas appauvrir le patrimoine culturel du pays ? Oui, en vertu d'une loi qui interdit d'exporter les biens mobiles, mais la loi ne spécifie pas le champ historique, du scientifique, de l'artisanal et de l'artistique. Or, non seulement on doit spécifier mais se fixer des limites ; par exemple, les œuvres des artistes nés jusqu'à 1940 ne peuvent pas être vendues, au-delà c'est possible. Il ne faut pas oublier que les tableaux vendus à l'étranger pourvoient le pays en devises. Or, en ce qui nous concerne, même des œuvres récentes ne peuvent être exportées. On vend bien les tapis, la céramique. En exportant les tableaux, nous allons rayonner sur la scène internationale. D'un autre côté, les enchères existent dans le monde depuis le XVIIe et XVIIIe siècles. Les œuvres circulent-elles à l'étranger ? Bien sûr, dans le monde entier. Alors qu'ici en Tunisie, quand les toiles sont exportées illégalement pliées dans un tube via la poste, elles passent. Mais à travers les canaux légaux avec une facture, les autorités exigent une autorisation. On nous incite à contourner la loi. Jusqu'à ce jour j'attends la réponse pour autorisation à l'export. Cela dit, et pour ce qui est des ventes aux enchères, l'Etat sera en mesure de contrôler, de suivre les ventes, de soustraire des enchères une œuvre jugée utile ou intéressante à garder. A quelle date est prévue la première vente et combien de pièces seront mises aux enchères ? La première vente est prévue à partir du 15 janvier 2018, pour le nombre, je n'ai pas encore décidé. Le dernier délai pour la réception des œuvres sera le 7 janvier. J'enverrai un mail d'information, on verra d'ici là. Une enchère commence en même temps et se termine par exemple après dix jours, et toutes les enchères se terminent à deux minutes d'intervalle. C'est intéressant, comme si c'était une vente en salle. Les enchères commencent à partir de 50 dt. Par le mécanisme des enchères, les valeurs des œuvres seront définies par les enchérisseurs anonymes eux-mêmes. Nous utiliserons Internet et enverrons les catalogues sur les téléphones portables. Comme cela se fait dans le monde entier.