Par Jawhar CHATTY A quelque chose malheur est bon. L'affront fait aux Tunisiens par Emirates nous fournit une nouvelle fois la preuve que l'adversité révèle les grands et en l'occurrence la grandeur de ce pays triplement millénaire et de son peuple. D'abord, la réaction des Tunisiens, unanime, à considérer la décision de la compagnie émiratie du strict point de vue de la « civilité » : ils ont fustigé une mesure qu'ils jugent à raison discriminatoire, ségrégationniste et ont exprimé leur grande indignation et colère de voir là aussi à raison que leur tunisianité et leur mode sociétal dont la femme tunisienne est le symbole sont les principales sinon les seules et réelles cibles d'une mesure d'un autre âge, rétrograde et moyenâgeuse. Ensuite, la réponse des autorités tunisiennes, polie mais ferme, sobre et glaciale, « administrative », appelant la compagnie à revoir sa copie et à se conformer aux lois et conventions internationales la régissant. En somme, c'est une délicate invite à aller réviser les manuels de l'Iata. Pour une compagnie aérienne qui se respecte et qui est soucieuse de son image, c'est le coup de grâce. On appréciera enfin et tout particulièrement la grande habileté dont a fait montre la diplomatie tunisienne et son souci de raisonnablement ménager nos relations avec un pays somme toute frère dont on attend, justement et raison de plus à ce titre, qu'il présente des excuses à la Tunisie et au peuple tunisien. A quelque chose malheur est bon. Ledit affront nous offre surtout une précieuse occasion de nous interroger sur nous-mêmes, de faire notre propre introspection pour comprendre comment un tel affront eût été imaginable, possible, permis et ait pu se produire ! La fragilité, celle de la jeune démocratie qui est la nôtre et que tous les peuples arabes nous envient, celle de notre économie et dont beaucoup de pays profitent, nous rend à l'évidence vulnérables. L'absence de vision et d'un grand projet fédérateur sur le long terme nous rend à cet égard bien plus que vulnérables : il fait de nous au mieux une proie aux convoitises, une passoire et une cible facile... Comment remédier à cette situation et corriger cette myopie politique au moment où s'accumulent les diagnostics alarmistes sur l'avenir du pays ? Comment renforcer politiquement le futur ? Dans ce sursaut nécessaire, l'Etat, serviteur de la République, a la mission sacrée d'aider la Nation à orienter l'esprit public vers une vision commune du renouveau, à découvrir les chemins de convergence dans l'action, à favoriser l'harmonie que seule la République des citoyens peut incarner. Voilà comment l'Etat est invité à donner un sens à l'avenir. En présence du président turc Erdogan, le président Caïd Essebsi a hier, en toute finesse, damé le pion à plus d'un : « En Tunisie, nous avons un seul drapeau, ni deux, ni trois, ni Rabiaa... ». Le chef de l'Etat a ainsi d'ores et déjà donné un sens à l'avenir.