Face aux défis de différents ordres que la Tunisie doit relever, la surface agricole disponible pourra-t-elle nourrir 14 millions d'habitants en 2050 ? s'interroge l'Institut tunisien des études stratégiques dans son dernier rapport portant sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle en Tunisie. Evoquer la pauvreté en Tunisie, c'est parler des zones rurales qui demeurent délaissées et défavorisées par rapport aux zones qui se trouvent sur le littoral. En effet, la pauvreté se concentre dans les zones rurales où le taux de pauvreté est aux alentours de 26% contre 10,1% dans le milieu urbain. Les régions internes du pays, particulièrement le Centre-Ouest, le Nord-Ouest et le Sud-Ouest, sont les plus affectées par la pauvreté extrême. Paradoxalement, ce sont les groupes démunis qui dépensent environ 39% de leurs revenus pour s'alimenter. Rien qu'au Centre-Ouest, la consommation du blé dur est le triple de celle dans le Grand-Tunis, relève la dernière étude élaborée par l'Institut tunisien des études stratégiques. Ceci pose aussi le problème des difficultés d'accès à une alimentation équilibrée dans notre pays en raison des disparités socioéconomiques. Gaspillage alimentaire alarmant Le gaspillage alimentaire au sein des ménages reste un grand problème. Il atteint son apogée durant le mois de Ramadan. 66% des ménages gaspillent et jettent le reste des plats cuisinés (46% jettent du pain, 32% des fruits, 20% des sucreries, 19% des viandes et 18% des produits laitiers). En rapport avec certaines mauvaises habitudes alimentaires, des maladies comme le cancer, le diabète, l'hypertension et l'insuffisance rénale chronique sont responsables de 82% des décès en Tunisie. 19% des Tunisiens de plus de 15 ans sont diabétiques, 44% souffrent de dyslipidémie, 36% de plus de 15 ans sont hypertendus et environ 15.000 nouveaux cas de cancer sont détectés par an. Malgré une relative amélioration des indicateurs liés à l'utilisation des aliments, la transition nutritionnelle est assez alarmante. A titre d'indication, 532 cas d'intoxication alimentaire collective ont été enregistrés durant les cinq premiers mois de 2017, dont 52% en milieu scolaire en raison du non-respect des règles d'hygiène alimentaire. Les multiples facettes du risque Les mauvaises habitudes qui impactent négativement la sécurité alimentaire en Tunisie touchent un autre secteur encore plus stratégique, celui de l'eau, et ce, au moment où notre pays se trouve au neuvième rang des zones menacées de pénurie en eau, d'où la nécessité de se pencher plus sérieusement sur les programmes d'économie et de valorisation de l'eau notamment pour le secteur agricole afin de réaliser le développement socioéconomique des générations futures. Aujourd'hui, 96% du territoire de la Tunisie est directement ou indirectement concerné par le phénomène de la désertification. A ceci s'ajoute la dégradation de la qualité des sols liée à l'érosion et aux mauvaises pratiques agricoles, ce qui ne constitue nullement un facteur d'assurance quand on évoque la sécurité alimentaire. Les risques qui menacent la sécurité alimentaire en Tunisie sont multiples. Ils sont liés au stress hydrique, à la menace de la désertification, à la non-rationalisation du secteur de l'énergie, aux financements des investissements et des récoltes, aux stockages des productions agricoles, aux engrais, au transport (routes et ports, accès aux terres et aux marchés), ainsi qu'aux circuits de distribution et aux comportements opportunistes de la part des grossistes. Sans oublier les risques sécuritaires. Si la Tunisie ne reçoit aucune aide alimentaire extérieure et n'a jamais connu de situation de pénurie, la dépendance aux importations des céréales constitue aussi un facteur qui menace la sécurité alimentaire. Une panoplie de mesures à prendre Compte tenu des risques et défis précités, l'Ites soutient la nécessité d'une nouvelle stratégie nationale de sécurité alimentaire et nutritionnelle, la mise en place d'un Conseil national de la sécurité alimentaire, l'adoption d'une nouvelle politique d'importation, la réduction des risques commerciaux, la valorisation des produits locaux, et la création de nouvelles structures de commercialisation des produits agricoles. Outre ces recommandations, l'Ites préconise aussi l'amélioration du dispositif de protection sociale, la définition et la mise en œuvre d'une stratégie interministérielle de rationalisation de la consommation de certains produits stratégiques, le renforcement du contrôle de la qualité, l'adoption d'une démarche privilégiant l'approche préventive en matière de gestion des risques sécuritaires.