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Les quatre dimensions de la crise de l'eau en Tunisie
Ressources hydriques
Publié dans La Presse de Tunisie le 13 - 10 - 2016

«Nous ne connaissons la valeur de l'eau que lorsque le puits est à sec» (proverbe tunisien)
La crise de l'eau qui a sévi durant cet été dans nos contrées (et qui perdure encore dans certaines localités) commande de procéder à une analyse critique de la situation hydraulique, tout en échafaudant un plan d'action à même de préserver notre pays du manque d'eau
Cette question préoccupante, qui a marqué l'actualité durant toute la saison estivale et même au-delà, met en relief des problématiques qui peuvent être abordées à travers quatre dimensions.
Primo, une dimension humaine ou humanitaire. D'après le Coran, l'eau est, de par la volonté divine, la source de la vie : «A partir de l'eau, Nous avons constitué toute chose vivante» (verset 30 ; Sourate des Prophètes), c'est dire l'importance de cette ressource ô combien vitale et pour l'Homme et pour tout être vivant. L'accès à l'eau est d'ailleurs considéré comme un des principaux Droits de l'Homme. La Conférence internationale sur l'eau et l'environnement tenue en 1992 à Dublin souligne qu'il «est vital de reconnaître d'abord le droit primordial pour chaque être humain d'avoir accès à de l'eau salubre et à l'hygiène, et cela à un prix raisonnable». Ainsi toute carence en la matière revêt un aspect carrément dramatique. La multiplication des perturbations de l'approvisionnement en eau quand il s'agit de coupures nettes et pour plusieurs jours occasionne, à n'en pas douter, un profond malaise et un mal de vivre certain.
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, ce sont les gouvernorats qui fournissent l'essentiel des besoins nationaux en eau du pays, Béja (pour plus de la moitié), Jendouba, Siliana, qui ont souffert le martyre de la soif durant cet été. Plus encore, comment imaginer que des localités situées à 30 km de la capitale (certes situées dans des zones agricoles qui restent à la merci des « associations hydrauliques ») demeurent sans eau pendant plus de deux mois et demi! Les pouvoirs publics sont montés plusieurs fois au créneau pour appeler tout un chacun à changer de comportement, appelant à davantage de rationalisation, surtout qu'à l'heure actuelle, d'après le ministère chargé de l'Agriculture, les barrages ne sont remplis qu'au tiers de leur capacité.
Secundo, une dimension économique. D'abord, le manque d'eau est considéré comme un grave frein au développement socioéconomique et une sérieuse menace pour les écosystèmes. Ensuite, l'eau est une valeur et son caractère de rareté (relative) lui procure une inestimable préciosité. L'eau est un bien économique indispensable qui satisfait aux besoins de l'Homme (besoins primaires). Contrairement aux biens libres, l'eau nécessite des investissements pour sa conservation, son traitement (pour qu'elle soit potable), sa distribution et son évacuation (et le traitement des eaux usées). Elle a donc un coût (infrastructures, maintenance, amortissement, et autres frais d'exploitation) mais qui ne se répercute pas d'office sur son prix. L'eau reste une ressource stratégique dont la tarification n'obéit pas cependant à la loi de l'offre et de la demande mais est réglementée comme tout produit subventionné. L'importance de l'eau se mesure aussi à l'aune de la sécurité alimentaire : toute perturbation d'approvisionnement peut mettre en péril les productions et les récoltes et affecter la rentabilité des périmètres de terre arable irrigués. Ainsi toute dégradation ou appauvrissement des ressources en eau auront un effet dévastateur sur le plan économique et social.
Tertio, une dimension sociale. L'eau peut être également qualifiée de bien public, puisqu'il est inadmissible d'exclure des individus de son usage ou de son utilisation. D'un autre côté, de par l'importance des investissements qu'il nécessite, le secteur de l'eau ne peut être géré que par l'Etat, entité publique, au vu des faibles économies d'échelle ou du retour sur investissement plutôt social. Les pouvoirs publics se doivent donc d'être des «serviteurs efficaces du bien public», en garantissant « le droit de vivre dans la dignité » (dixit le secrétaire général des Nations unies). La dimension sociale de l'eau peut être également illustrée par le fait que la disponibilité des ressources hydriques (douces) est importante également pour l'emploi. D'après le message du secrétaire général de l'ONU, à l'occasion de la Journée mondiale de l'eau – 2016- sur le thème «L'humanité a besoin de l'eau», 1,5 milliard de personnes à travers le monde «travaillent dans des secteurs liés à l'eau».
Quarto, une dimension environnementale. L'eau potable doit être salubre. Mais la mise en veilleuse des municipalités, qui dure depuis 2011, a contribué à la prolifération des déchets dans la nature, et la multiplication des poubelles anarchiques, outre les retards récurrents dans la levée des ordures ménagères. Ce qui ne peut se traduire que par une dégradation de la qualité de l'eau, suite à la pollution manifeste des terres et des cours d'eau de surface ou en profondeur, ceci sans parler des menaces réelles de santé publique : la contamination des eaux souterraines et de surface adossée au manque d'eau ont fait ressurgir, dans certaines régions, des maladies qui ont été éradiquées depuis longtemps, ayant trouvé le terrain fertile et approprié à leur propagation par le manque d'hygiène imposé. Les pénuries d'eau présentent donc des coûts environnementaux certains : risque de désertification des terres et de pertes en arboriculture et d'altération des écosystèmes, qui, avec la pollution et l'érosion, constituent un danger menaçant pour la survie humaine.
Entre rationalisation et solutions de rechange
A vrai dire, la vague des perturbations d'approvisionnements en eau potable et d'irrigation en Tunisie n'est pas récente, elle remonte à l'année 2011, mais les difficultés se sont approfondies depuis crescendo. Plus que le captage, le traitement, l'approvisionnement ou l'adduction d'eau, la maintenance du réseau de distribution exige de lourds investissements. Ainsi devant les nouvelles priorités et les dépenses urgentes dans la foulée de la Révolution, nombre d'opérations de maintenance ont été différées. D'ailleurs, certains observateurs n'ont pas hésité à corréler ces perturbations avec l'imminence d'une hausse des tarifs, voire carrément d'une potentielle privatisation de la Sonede (Société nationale d'exploitation et de distribution des eaux). Mais pareille alternative reste difficilement réalisable, étant donné qu'il s'agit d'un secteur hautement stratégique.
Cette question de l'eau mérite une attention particulière de la part de tous les intervenants et constitue une priorité absolue, surtout que d'après certaines d'études et outre la menace rampante du changement climatique, nombre de conflits internes et externes seraient en rapport avec cette ressource vitale durant ce IIIe millénaire.
Pour expliquer la crise de l'eau, si on peut l'appeler ainsi, des responsables ont mis en avant les effets de la sécheresse et le manque de nos réserves hydriques. Notre pays est-il devenu à ce point «vulnérable» en la matière (terme emprunté à la FAO) ? Quoi qu'il en soit, il n'est pas superflu de mettre en pratique une stratégie cohérente en la matière afin de parer à toute pénurie temporaire ou durable à l'avenir.
D'abord une chose est sûre : le consommateur tunisien est tenu d'adopter un nouveau comportement s'il ne veut pas que la situation empire plus vite que prévu. Mais cela ne peut être suffisant étant donné que c'est le secteur agricole qui consomme plus de 80% des ressources hydriques sous nos cieux. Il faudra mieux sensibiliser les opérateurs dudit secteur sur la question du gaspillage de l'eau.
Dans ce cadre, les pouvoirs publics sont tenus de se pencher sur la question des associations hydrauliques qui prennent le relais de la Sonede dans les zones agricoles (périmètres irrigués et foyers établis dans lesdites zones) pour trouver des solutions tangibles et durables. C'est que lesdites associations croulent sous une multitude de problèmes : manque de moyens humains et financiers, mauvaise gestion, différends avec la Steg et la Sonede, tarification inadaptée (absence des tarifs par paliers de consommation), ce qui se répercute inévitablement sur la qualité de leurs services.
Il faudra également sensibiliser, dans un premier temps (puis prendre des mesures plus contraignantes), les opérateurs des autres secteurs à consommation d'eau intensive, tels l'industrie ou le tourisme. Il faudra les amener à adopter des technologies nouvelles qui préservent mieux cette ressource.
Autres mesures possibles : instituer un cadre juridique, qui, tout en promouvant l'utilisation raisonnée et rationnelle de l'eau, permet de rappeler à l'ordre ceux qui dilapident cette ressource appelée à être de plus en plus rare.
-Procéder, dans les meilleurs délais, à la réhabilitation du réseau de distribution de l'eau potable.
-Améliorer la capacité de stockage de l'eau, surtout que les services de la Sonede parlent de surcapacité des systèmes hydrauliques en place. Pour ce faire, il faudra activer la construction des barrages en cours ou programmés, surtout que les 35 barrages existants ne couvrent pas la plupart des zones du pays. De plus, il y a lieu de multiplier les forages de nouveaux puits artésiens dans les zones souffrant d'un manque criant d'eau, les lacs collinaires et autres réservoirs, digues, châteaux d'eau (beaucoup moins coûteux que les barrages).
-Mettre en place un système de veille pour prévenir les pannes et les résoudre avec la célérité requise, tout en favorisant les moyens de contrôle du gaspillage de l'eau (mettre un numéro vert pour alerter sur les pannes et les coupures). Parfois des fuites provenant de canaux d'adduction sur la voie publique se déversent durant toute une journée sans que les services compétents (faute d'être avisés) ne daignent intervenir pour réparer.
-Accélérer les projets de dessalement de l'eau de mer. Devant le coût élevé de la mise en service des stations de dessalement (ce qui se répercute sur le coût de revient du m3 de l'eau distribuée), pourquoi ne pas ouvrir cette activité aux privés, surtout s'ils emploient des techniques moins énergivores et qui tiennent compte du développement durable, tout en leur imposant une tarification homologuée qui soit proche de celle appliquée par la Sonede, afin de préserver les intérêts des consommateurs.
- Généraliser l'évacuation et le traitement des eaux usées et des effluents industriels à toutes les zones industrielles du pays pour préserver la qualité des couches aquifères et nappes phréatiques.
- Appliquer le système « pollueur-payeur » à tous ceux qui polluent l'eau en surface ou en profondeur.
-Mettre sur le marché (et à des prix abordables, voire bonifiés) des systèmes de robinetterie et d'arrosage qui favorisent l'économie de l'eau.
-Amener le Tunisien à édifier systématiquement, dans sa propriété, une bâche à eau («majel» ou feskia) qui recueillera les eaux pluviales (par exemple en corrélant l'autorisation de bâtir avec un engagement formel dans ce sens).
- Enfin, et dans un but d'efficacité économique, n'est-il pas venu le temps de renchérir le coût de cette précieuse ressource qui traduira économiquement parlant sa rareté en perspective, afin d'amener les utilisateurs à rationaliser autant que faire se peut leur consommation, surtout devant le faible impact des campagnes de sensibilisation sur le comportement des individus ?
En dépit des pluies bénéfiques du mois de septembre qui augurent d'une bonne saison agricole, la vigilance doit rester de mise, surtout que nombre d'avis d'experts insistent sur l'entrée de notre pays dans une phase d'«appauvrissement hydrique» qu'il faudra savoir gérer si on veut épargner à notre pays le spectre du manque d'eau. Sans une forte volonté politique (pour procéder aux lourds investissements exigés et consolider l'effort de sensibilisation et de contrôle nécessaire) et un réel engagement de la part des différents intervenants et notamment les consommateurs, cette épineuse question de l'eau dans nos contrées ne pourra pas être solutionnée de sitôt.


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