Par M'hamed JAIBI En ce septième anniversaire de la révolution, il est important de passer en revue les évènements historiques qui se sont succédé à une cadence impressionnante et de faire le bilan des réalisations républicaines et des acquis démocratiques dont se prévaut désormais le pays. Tout en ressortant les faiblesses et les calamités qu'il s'agit de combattre et de corriger d'urgence. Ce pays a vu, depuis le début du siècle dernier, une riche épopée de luttes populaires et un vaste mouvement de réformes conceptuelles touchant les traditions, les relations sociales et certaines pratiques liées aux convictions religieuses d'un islam sunnite modéré qui aspirait à développer le pays et à le moderniser, dans le but d'améliorer la qualité de vie des citoyens. C'est ce qu'a réussi à faire l'Etat issu du mouvement national, conduit par le leader Habib Bourguiba. C'est ainsi que fut généralisé l'enseignement gratuit, la santé publique et le développement économique et social dans toutes les régions, grâce à une modernisation des structures administratives, à l'unification de la justice et à l'éradication du tribalisme. En parallèle, fut menée l'émancipation de la femme, son instruction et sa pleine association à l'action de développement économique et sociale du pays, sous l'effet d'un Code du statut personnel qui aura été promulgué, avant même la proclamation de la République, comme le premier acte législatif majeur de l'indépendance. Sachant que le régime du parti unique avait permis le développement d'organisations nationales actives indépendantes qui n'ont cessé d'animer et de développer la vie démocratique du pays en un bras de fer permanent avec le pouvoir central. Sous Ben Ali, malgré la légalisation de certains partis politiques au compte-gouttes, le parti destourien, devenu RCD, poursuivra son monopole de fait sur la vie politique et n'autorisera pas les partis islamistes. Il poursuivra cependant une politique économique et sociale centriste et introduira des réformes efficaces qui réussiront à assurer une croissance économique durable approchant les 5%. Cependant, le déficit démocratique et la mainmise des familles du président et de son épouse vont conduire à un mécontentement généralisé tiré par l'essoufflement de la croissance et la généralisation du chômage des jeunes et surtout des jeunes diplômés du supérieur. Ayant éclaté dans la protestation contre les privilèges et les passe-droits, pour un emploi digne pour chacun et pour un développement équitable des régions, la révolution, enclenchée le 17 décembre 2010 et concrétisée le 14 janvier 2011, s'est identifiée à la liberté et à la dignité. La révolution a effectivement amené la liberté d'expression, de presse et de manifestation, ainsi que toutes les libertés individuelles et publiques qui ont fini par s'imposer suite à de longues controverses quant à la liberté de conscience qui ont parfois tourné à l'affrontement idéologique voire à la mise en cause des acquis modernistes bourguibiens. Notre pays a, en effet, connu au lendemain du départ précipité de Ben Ali, une période trouble caractérisée par une vaste opération de noyautage et de déstabilisation des fondements de l'Etat et du vécu social, dans le sens d'une forte radicalisation intégriste religieuse de type islamiste et salafiste. Cette offensive hégémonique favorisée par un interventionnisme étranger arabe et international, va être favorisée par la victoire du parti Ennahdha aux élections de l'Assemblée nationale constituante et le projet qu'il tentera de mettre en place avec ses alliés de la Troïka, matérialisé par un projet de constitution de droit divin que mettra en cause le sit-in populaire du Bardo mené par le large front de salut national. Dirigé par Béji Caïd Essebsi. S'en suivra un débat national et la démission du gouvernement de la Troïka au profit d'un gouvernement unitaire de technocrates présidé par Mehdi Jomâa et la négociation d'une Constitution civile consensuelle qui sera proclamée le 26 janvier 2014, celle de la IIe République. Aujourd'hui, et pour l'essentiel, cette IIème République a réussi sa transition politique et se promet de finaliser ses institutions constitutionnelles dont celles indépendantes. Mais les séquelles des époques troubles des lendemains de la révolution et de l'ère de la Troïka restent tenaces, nécessitant un sérieux état des lieux afin d'éradiquer tous les dispositifs pernicieux qui ont pollué les institutions de l'Etat Tunisien et affaibli sa souveraineté. Cela dépasse le simple envoi de jeunes s'engager dans le jihadisme, pour s'inscrire dans la trahison, dans la sape des valeurs patriotiques et républicaines, dans la sédition au profit de forces occultes qui se situent aux antipodes de l'intérêt national et de l'existence même de l'entité nationale. Réhabiliter la République c'est la purifier, c'est rétablir ses assises authentiques, c'est faire table rase des ravages opérés par le projet du «printemps arabe». Ce qui demande de l'autocritique, du courage, de l'engagement...