«Lorsque Souabni expose, le printemps se déplace même en décembre», disait Nja Mahdaoui, en évoquant l'œuvre d'Ahmed Souabni. C'est cette impression-là que suscitaient les dernières toiles du peintre qui égaillent actuellement les cimaises de la Galerie Saladin à Sidi Bou Saïd. Plus d'une vingtaine de tableaux du peintre occupent majestueusement les cimaises de la galerie. Chaque œuvre est un hymne à la vie, à la vitalité dans la délicate esquive du geste, le rendu d'un ton ou l'ardeur chromatique. Le regard du spectateur ne s'arrête plus alors seulement à ressentir une belle et légitime émotion artistique, mais participe à cette aventure puissante et subtile haute en couleur d'humanité, riche en visions, perceptions et émotions. Diplômé de l'Ecole des beaux-arts de Tunis depuis 1970, Ahmed Souabni a été considéré comme l'un des meilleurs élèves de Hédi Turki, comme il l'avoua, lui-même, il y a plusieurs années. Fort connu, aujourd'hui, il a toujours offert une peinture à l'image de ce qu'il est dans la vie : optimiste, coloré, joyeux, structuré, mais aussi imprévisible et généreux. Les toiles d'Ahmed Souabni sont donc les manifestations extérieures des fragments de son existence qui composent son « moi » intérieur. A travers ses dernières toiles, Ahmed Souabni poursuit toujours sa recherche plastique qui le situe, à divers degrés, entre abstraction et figuration. Dans son travail récent, le peintre continue d'explorer les rapports entre la matérialité de la texture picturale et les émotions suscitées par son sujet d'inspiration, pris comme le point de départ de sa création. A chaque fois, comme si c'était la première, l'acte de peindre semble dégager la même ferveur et la même soif de recherche du peintre. Il garde aussi cette même ouverture, cette même liberté renvoyée par toutes ses toiles qui nous délivrent des secrets inédits et des mystères qui ont tout l'air d'être une révélation unique et originale. Des histoires, des souvenirs et des images insufflés par un héritage commun et un patrimoine tunisien riche et singulier, sont dès lors racontés au fil des plages colorées et des compositions chromatiques. On y retrouve la femme tunisienne dans toute sa splendeur, la mère, la sœur, l'épouse et la voisine. On découvre toute une série de tableaux dédiés aux chevaux arabes, avec des scènes de cavalcades nous rappelant les jeux équestres pratiqués au Sud de la Tunisie. Dans le calme tranquille de la campagne, des verts nourris au jaune soleil à l'horizon, des sables du Sud qui s'étirent entre terre et ciel, il y a toute la magie de la nature. Ahmed Souabni la vit, l'accroche à la toile d'une palette adoucie, plus calme et lumineuse et nous communique toute la douceur du lieu et la sensibilité des parfums. Dans son travail, la sûreté de sa main s'allie à la délicatesse de son âme et rehausse sa distinction artistique. Il a le pouvoir de donner à tous les sujets qu'il traite, sur l'espace infini qui se déploie dans ses tableaux, une dimension sublime et intemporelle natures mortes, portraits, cavalcades, etc. Dans son œuvre, Ahmed Souabni superpose les couleurs et joue avec leurs affinités et leurs oppositions. Sur cette matière généreuse, il retravaille à la pointe sèche pour affiner une forme ou souligner une courbe. Malgré tout, il laisse à l'imagination un vaste domaine et lui ouvre les portes du rêve en ne lui proposant que des suggestions attirantes. La peinture d'Ahmed Souabni est sensible et sensuelle, mouvementée et structurée. Elle est la réflexion douce et harmonieuse des manifestations extérieures de son existence passée et présente qui se composent sur la toile, laissant apparaître des éléments qui s'épousent, des formes qui se mêlent et des couleurs qui s'engendrent. Ses tableaux retranscrivent une atmosphère, une ambiance, des impressions et des intuitions où seuls la composition, les matières, l'équilibre entre les couleurs sont les liens avec les autres. Parfois, des espaces abstraits émergent des visages, des fragments d'humanité présentant une interaction entre le monde lyrique de rêves et le monde rationnel... Une petite fenêtre qui joint ces deux mondes. Laissons-nous, donc, envoûter par les envolées des tableaux d'Ahmed Souabni et par les rêves qu'ils dégagent. Un vrai régal, à découvrir jusqu'au 4 février 2018.