Les résultats de l'enquête nationale sur la violence à l'égard des femmes en Tunisie de 2011 sont venus préciser l'ampleur du phénomène des violences faites aux femmes dans notre pays et plus particulièrement dans la région du Sud-Ouest. En effet, 47,6 % des femmes enquêtées, âgées de 18 à 64 ans, ont déclaré avoir subi au moins une forme de violence au cours de leur vie (physique, sexuelle, psychologique et économique) à un niveau national, et 72% au niveau de la région du Sud-Ouest. Elles disent dénoncer peu souvent les auteurs des violences et ne porter plainte que dans 17 % des cas. Ceci appelle à une réflexion sur la prise en charge des femmes victimes de violence et sur les dispositifs mis en place dans le Sud-Ouest et plus particulièrement dans le gouvernorat de Gafsa pour répondre à leurs besoins et garantir leurs droits. La question se pose alors : quels sont donc les structures et services en place dans le gouvernorat de Gafsa ? Le projet s'est fait sentir suite à un colloque organisé conjointement par l'association «Sihatouna» et Médecins du monde Belgique en Tunisie en 2015 et qui a rassemblé tous les acteurs répertoriés dans le domaine de l'écoute et de la sensibilisation. Inspirée de l'expérience danoise, l'association de développement Gafsa Sud, qui compte parmi ses objectifs la sensibilisation et le soutien aux femmes victimes de violence et surtout celles en situation de précarité, et dans le cadre de son projet «Horra wa faala» (autonome et décideur), a ouvert en août 2017 un centre à Gafsa sous l'égide du ministère des Affaires de la femme et de la famille, bénéficiant aussi aux femmes des zones limitrophes. Financé par l'UNFPA (Fonds des Nations unies pour la population) dans le cadre de son programme conjoint sur la prise en charge des femmes et des filles victimes de violence, Nahli Akrimi, la directrice, le décrit comme un espace d'hébergement, d'orientation et de soutien psychologique qui a accueilli jusqu'à ce jour 200 femmes à travers la cellule d'écoute qui compte deux écoutantes, un psychologue, un avocat, le délégué de l'enfance et le chef de service des femmes relevant de la délégation régionale des affaires de la femme. Le centre fonctionne, entre autres, grâce aux dons Son champ d'action s'étale sur différents axes tels que subvenir aux besoins des bénéficiaires à travers l'insertion économique, la réadaptation sociale et l'octroi d'aides financières. N. Akrimi ajoute : «La cartographie des services destinés aux femmes victimes de violence ou en situation de vulnérabilité comporte aussi l'orientation et la prise en charge juridique et un hébergement temporaire. Nous assurons le suivi pendant une année pour entamer ensuite la réadaptation sociale avec des aides financières. Mais comme nous ne disposons pas d'une ligne budgétaire, nous butons sur des difficultés énormes pour assurer cet aspect d'assistance, et c'est grâce aux dons du personnel exerçant que nous essayons de colmater cette brèche». Face aux sollicitations allant crescendo des femmes cherchant refuge auprès de ce centre, la directrice grince les dents quant aux conditions modestes offertes aux bénéficiaires. «Nous ne disposons que de 8 lits pour les femmes et 3 lits pour les bébés qui manquent affreusement de lait et de couches. Nous comptons sur les dons des particuliers qui se font attendre, et c'est à cause de ces insuffisances que nous limitons la durée de séjour à 45 jours en moyenne». Malgré les moyens dérisoires mis à disposition et telle que décrit par la directrice, la fonctionnalité de cette structure spécifique s'étend sur le terrain à travers des campagnes de sensibilisation destinées aux femmes, surtout celles des zones rurales, pour la conscientisation quant à leurs droits civiques fondamentaux. Mais empressons-nous de le dire, cette structure, dont l'écho a retenti même en dehors du gouvernorat, est vouée à un avenir flou, comme nous l'a fait savoir notre interlocutrice : «Je crains qu'on soit obligé un jour de mettre la clé sous le paillasson. Ce projet est financé par l'UNFPA pour 2 ans seulement ; après quoi il urge de trouver et un organisme qui prendra la relève et des sources de financement pour garantir sa durabilité» Est-ce un cri d'alarme ou un SOS lancé par la directrice d'un centre certes néophyte mais dont l'activité et les services rendus ont tempéré un tant soit peu le calvaire vécu par celles qui ont osé frapper à la porte ? Peu importe, cette structure spécifique, qui compte parmi les 5 ouvertes sur le territoire, impose un brin d'égard de la part du ministère de tutelle pour assurer sa continuité et la société civile devra mettre la main à la pâte. A bon entendeur...