Entrées en action depuis le 16 février, de nouvelles unités spécialisées dans la prise en charge des femmes victimes de violence sont composées de policières qui ont reçu une formation adaptée. Dans le cadre de l'application des dispositions de la loi n °58 du 11 août 2017, relative à la mise en place de mesures susceptibles d'éliminer toutes formes de violence et de discrimination à l'égard des femmes et des enfants, le ministère de l'Intérieur vient de créer deux unités spécialisées dans l'investigation des crimes de violence contre la femme et l'enfant ; la première relève de la direction générale de la sûreté nationale et la seconde de la direction générale de la Garde nationale. Ces deux unités centrales sont appuyées par des brigades spécialisées au niveau régional dans chaque district du pays. Ces nouvelles unités sont entrées en action depuis le 16 février 2018 et sont aussi composées de policières qui ont reçu une formation adaptée sur le plan de l'investigation des crimes de violence à l'égard des femmes et des enfants. Mettre en confiance, diagnostiquer et orienter Contactée à ce sujet, Hanen Benzarti, sociologue démographe et chef de service d'observation des familles tunisiennes relevant du ministère de la Femme, de la Famille et de l'Enfance, nous explique que parmi les mécanismes de la mise en œuvre de la nouvelle loi, il y a eu la création de ces unités relevant du ministère de l'Intérieur qui est considéré comme la première porte d'entrée pour les femmes et les enfants victimes de violence. La première structure à laquelle s'adresse une femme agressée est, soit la police, soit les services des urgences. Toutefois, la victime se trouve généralement devant des hommes qui ne sont pas très informés quant aux mécanismes d'orientation. Ces derniers tentent, en général, de dissuader la victime de porter plainte. C'est, d'ailleurs, pour cette raison que la loi en question a prévu la création d'unités spécialisées qui doivent impérativement inclure des femmes. En effet, l'article 24 annonce la création, au sein de chaque commissariat de la sûreté nationale et de la Garde nationale, dans tous les gouvernorats, une unité spécialisée pour enquêter sur les infractions de violence à l'égard des femmes conformément aux dispositions de la présente loi. Cette unité doit, selon le même article, comprendre des femmes parmi ses membres. Mme Benzarti ajoute que 70 unités spécialisées ont été déjà créées à travers toutes les régions du pays. Chaque unité est formée d'un chef de file et d'une équipe de policières pour être à l'écoute des femmes victimes de violence. Il faut dire que ces dernières trouvent une grande gêne pour se confier à des hommes. Le rôle de la policière, qui est d'ailleurs bien formée au sein de cette unité spécialisée, consiste à mettre en confiance la femme agressée, diagnostiquer les séquelles de l'agression subie par la victime et l'orienter vers les structures de prise en charge qui sont en général les urgences pour les examens complémentaires. Un dispositif de protection bien solide Il n'est plus question aujourd'hui d'exercer des pressions sur la victime en vue de l'influencer. Selon l'article 6 de la loi relative à l'élimination de la violence à l'égard des femmes «est puni d'un à six mois d'emprisonnement, l'agent relevant de l'unité spécialisée d'enquête sur les infractions de violence à l'égard des femmes, qui exerce volontairement une pression, ou tout type de contrainte, sur la victime en vue de l'amener à renoncer à ses droits, à modifier sa déposition ou à se rétracter». Le dispositif de l'élimination de la violence à l'égard des femmes et des enfants a été consolidé dès le départ, souligne Mme Benzarti. Plusieurs mécanismes ont été mis en place et qui convergent vers la mise en sécurité des victimes de violence. En décembre 2016, il y a eu une identification des procédures de prise en charge de ces victimes au niveau des intervenants des ministères de l'Intérieur, de la Justice, de la Santé, des Affaires sociales et de la Femme, de la Famille et de l'Enfance qui sont les structures qui figurent en première ligne sur le plan de l'intervention. Cette identification a été entérinée et suivie de l'élaboration et de la signature le 15 janvier 2018 d'une convention entre les cinq ministères en question en vue de coordonner et faciliter la prise en charge des femmes et enfants victimes de violence. On rappelle que dans une étude élaborée par le Centre de recherche, d'étude, de documentation et d'information sur la femme (Crédif) en partenariat avec ONU Femmes, relative aux violences fondées sur le genre dans l'espace public en Tunisie, 53,5% des femmes concernées par l'enquête disent avoir subi une forme de violence dans un espace public pendant les quatre années allant de 2011 à 2015, alors que 75,4% des femmes rapportent avoir vécu des violences sexuelles dans l'espace public. Les violences sexuelles à l'égard des fiancées sont en tête avec 92,5%. Dans l'espace professionnel, 58,3% des femmes disent avoir été confrontées à l'une des formes de violence.