D'après les données relatives au recensement national sur la violence du genre en date de 2012, 90% des cas de violence à l'égard des femmes sont perpétrés au sein de l'environnement familial. La Tunisie vient de célébrer la Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes. A cette occasion, l'Office national de la famille et de la population (Onfp) a organisé, le jeudi dernier, une table ronde sur la violence intrafamiliale en Tunisie, dont les principales victimes sont les femmes et les enfants. En 2012, l'Onfp qui a recommandé la célébration, par la Tunisie, de cette journée mondiale en 2006, a élaboré un recensement national sur la violence du genre. Les indicateurs collectés ont permis de ressortir une réalité amère. En effet, 47% des femmes enquêtées ont été soumises au moins à une forme de violence, dont 31,7% ont été agressées physiquement, 29% ont été victimes de violence psychologique, 15,4% de violence sexuelle et 7% de violence économique. «Le pire, c'est que 73% des femmes intègrent cette atteinte à l'intégrité. Seules 17% d'entre elles dénoncent et portent plainte, 5,4% recourent à la police et 3,6% à la société civile. Alors que 41% quittent temporairement le domicile conjugal comme signe de protestation et d'indignation», souligne M. Gataâ. L'engagement de l'Onfp se traduit, outre la promotion de la santé maternelle et celle reproductive et sexuelle, par la mise en place d'un programme d'assistance des femmes victimes de violence dans la région du Nord-Ouest. L'instauration d'un centre spécialisé dans l'assistance psychologique des femmes victimes de violence et de leurs enfants à Ben Arous constitue une première expérience qui mériterait d'être décentralisée. L'Office procède, en outre, à la signature de protocoles et de conventions avec les ministères pour renforcer les mécanismes de prise en charge et d'hébergement des femmes victimes de violence. La projection d'un documentaire intitulé «La violence entre le traitement et la prévention» a servi de préambule aux conférences. La technique du micro-trottoir a dévoilé la complexité de la question dans une société encore tiraillée entre les principes des droits de l'Homme et les us et coutumes antiféministes. L'une des femmes interviewées soutient, même, la violence à l'égard des femmes comme étant un moyen efficace pour imposer la domination machiste ! Les facteurs propices à la violence Pour comprendre ce phénomène récalcitrant d'une société qui demeure sous l'emprise du patriarcat, Mme Zeïneb Saïdani, de l'Onfp, a procédé à l'analyse socioéconomique de la violence conjugale, à partir de l'Enquête nationale sur la violence à l'égard des femmes en Tunisie. Selon elle, la violence conjugale résulte d'une interaction de moult facteurs à caractère sociétal, communautaire, relationnel et individuel. Le travail d'analyse a permis de constater, entre autres, qu'une femme qui a un salaire plus important que son conjoint est sensiblement exposée au risque de violence sexuelle. D'un autre côté, une femme qui perçoit un salaire précaire est plus confrontée au risque de subir des violences physiques, et ce, en raison de sa vulnérabilité économique. Mme Saïdani a expliqué que plus l'âge du mariage de la femme est élevé, moins elle est exposée à la violence physique. D'autant plus qu'une différence d'âge significative entre l'homme et la femme représente un facteur protecteur contre la violence sexuelle. Cela dit, les facteurs de l'âge, de l'autonomie économique et de la santé reproductive ainsi que le niveau d'instruction de la femme peuvent générer de la violence ou, au contraire, protéger contre la violence conjugale. Rappelons que 90% des cas de violence à l'égard du genre sont perpétrés dans le milieu familial. Des procédures judiciaires au suivi de la prise en charge Mme Raoudha Bayoudh, représentant le ministère de l'Intérieur, a exposé les différentes missions de ce ministère en matière de lutte contre la violence intrafamiliale, notamment celle exercée sur les femmes et les enfants, et ce, conformément aux textes législatifs nationaux ainsi qu'aux conventions internationales adoptées en la matière. Pour ce, le ministère de l'Intérieur collabore avec toutes les parties concernées, dans le cadre d'un réseau pluridisciplinaire. Outre les procédures judiciaires fondées sur les réclamations, sur les preuves matérielles et autres scientifiques ainsi que la confrontation des deux parties, soit l'agresseur et la victime, le ministère de l'Intérieur assure le suivi de la prise en charge des victimes, et ce, en collaborant avec les centres de prise en charge spécifiques. Dans le Grand-Tunis, les établissements spécialisés à cet effet comptent, entre autres, l'espace «Tamkine» pour l'hébergement des femmes victimes de violence, le Centre d'hébergement relevant de l'association «Beïty», le Centre d'assistance psychologique relevant de l'Onfp à Ben Arous ainsi que les centres intégrés pour la protection sociale des enfants en situation de menace. L'oratrice donne un aperçu sur des cas de violence perpétrés sur des femmes et des enfants, dont le cas d'une femme qui a eu une triple fracture de la jambe et qui a fini par se réconcilier, sous la pression familiale, avec le mari-agresseur. Elle a montré des photos choquantes d'une fille de sept ans, qui était mordue tout le long de son petit corps par sa belle-mère ; un châtiment abominable contre un problème d'incontinence qu'elle avait du mal à maîtriser...