Par Abdelhamid Gmati Concernant son adhésion à l'Etat de droit, la Tunisie est considérée comme « stable » et se trouve « au-dessus de la moyenne ». C'est le rapport annuel (2017-2018) de l'ONG américaine World Justice Project (WJP) qui le constate. La Tunisie est classée 54e parmi 113 pays, avec un score de 0.53 sur une échelle de 0 à 1 (1 constituant la plus forte adhésion à l'Etat de droit), gagnant ainsi 4 places par rapport à l'année dernière. L'étude a été réalisée suivant 8 critères: la force de la loi sur ceux qui gouvernent, l'absence de corruption, l'ouverture du gouvernement, les droits fondamentaux, l'ordre et la sécurité, l'application de la loi, la justice civile et la justice criminelle. L'étude, basée sur la perspective de personnes ordinaires et de leurs expériences, est révélatrice de certaines situations réelles répondant à certains critères retenus. Concernant l'ordre et la sécurité, il est indéniable que la situation est meilleure et stable. Le retour des touristes en masse indique que la sécurité est assurée. Cela se fait au prix de grands efforts des sécuritaires qui multiplient la traque des terroristes, démantelant des dizaines de cellules dormantes, faisant avorter des projets d'attentats et arrêtant des dizaines de terroristes. Les campagnes sécuritaires se multiplient avec succès. Ainsi, une campagne sécuritaire, menée entre le 18 et le 24 février, a abouti à l'arrestation de 939 personnes recherchées pour des crimes de droit commun ainsi que de 26 extrémistes islamistes soupçonnés d'appartenance à une organisation terroriste. De plus, 140 opérations de contrebande ont été déjouées portant sur des marchandises d'une valeur de 4,382 millions de dinars. Il reste qu'un effort significatif doit être fourni pour arrêter le financement du terrorisme, tarir ses sources et annihiler les réseaux d'embrigadement. Le problème de la corruption reste entier malgré les actions menées jusqu'ici. Le chef du gouvernement, Youssef Chahed, le reconnaît lui-même : « Si on arrêtait la guerre contre la corruption, la moitié des problèmes du gouvernement seraient résolus ». Mais il reste déterminé : « La guerre contre la corruption est continue, nous n'avons plus le choix. Il n'y aura aucun retour en arrière ». Et il explique : « Au départ, le gouvernement s'est concentré sur la grande corruption, maintenant on va s'intéresser à la petite corruption qui touche la vie quotidienne du citoyen ». Il n'en reste pas moins que selon Transparency International, le coût de la corruption en Tunisie est estimé à 2% du PIB, soit l'équivalent de deux points de croissance annuelle. Le ministre de l'Intérieur a révélé, samedi 10 février, qu' « à l'heure actuelle, entre 400 et 500 affaires de suspicion de corruption d'agents du ministère ont été transmises à la justice pour examen » et il assure que « le ministère s'engage à exécuter les décisions des magistrats concernant ces affaires, quelle que soit la personne fautive et quel que soit son grade ». Ce qui renvoie au respect de la justice. Lorsque les protestataires d'El Kamour lancent un ultimatum au gouvernement, que l'industrie du phosphate est moribonde, que des entreprises sont empêchées de produire, que des routes sont bloquées, il est évident que la loi n'est pas appliquée. Néji Jalloul, directeur général de l'Institut tunisien des études stratégiques (Ites), avertissait, le 14 février dernier, que « la Tunisie pourrait bien être inscrite sur une liste noire relative aux libertés individuelles si l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) n'adoptait pas avant le 25 mai prochain le projet de loi relatif aux libertés individuelles ». Et la liberté de la presse est menacée selon les syndicats des journalistes. Le conseil sectoriel du syndicat général de l'information (Ugtt) a approuvé le principe de la grève générale. Et c'est le bureau exécutif de l'Ugtt qui aura la tâche de fixer une date pour cette grève en liaison avec le Syndicat national des journalistes tunisiens (Snjt). Les divers organismes qui évaluent périodiquement ce qui se passe en Tunisie relèvent des avancées et des lacunes. Certains ponctuent leur évaluation par un « Peut mieux faire ». Il serait plus approprié de dire « Doit mieux faire ».