« Hathla » (bruissement), une nouvelle création chorégraphique mise en scène par le danseur et chorégraphe Marwen Errouine avec à l'affiche les jeunes danseurs Synda Jebali, Emna Mouelhi, Mariem Bouajaja et Assem Bettouhami, a été présentée jeudi dernier et se poursuivra jusqu'à ce soir à la salle d'El Teatro à Tunis. La difficulté de communiquer, le manque de compréhension et la surdité des membres de la société qui ne savent pas échanger entre eux, demeurent des sujets de prédilection récurrents et un terreau fertile pour le jeune chorégraphe et danseur Marwen Errouine (Prix du meilleur chorégraphe en 2015). « On dit qu'avancer est doublement productif car en faisant un pas en avant, on est à deux pas du pas en arrière. Et que si on ne bouge pas, on aura reculé par rapport à ceux qui avancent. Tout est question de démarche, de détermination et de foi». C'est ainsi qu'a été présentée la démarche de Marwen Errouine dans cette nouvelle création « Bruissement » ou Hathla, le titre en arabe, coproduite par El Teatro et le ministère des Affaires culturelles. Silence et lumière tamisée sur scène. Les danseurs se déplacent, sans musique. Le rapport des danseurs à leur art est plutôt intimiste. Ils dansent à «nu». La danse se suffit à elle-même. Elle trouve son rythme hors de tout sentier musical, dans le rythme corporel de chaque danseur. Leurs mouvements sont très amples avec des balancements du haut vers le bas de leurs membres inférieurs comme des corps qui chutent. Autant par le biais de la voix que du corps, les divers cris et les gestes du corps font le tempo des danses. Le corps et les voix deviennent les supports musicaux de la danse. Les lumières donnent une atmosphère feutrée à la chorégraphie, très intimiste. Les danseurs, habillés de couleurs sombres, sont, par leurs mouvements et leur gestuelle, comme des âmes égarées, cherchant désespérément la lumière au bout d'un tunnel. Malgré la présence des quatre individualités, la rencontre reste impossible. Les ondes sont impuissantes à transmettre leurs messages. Parabole de nos aveuglements, la pièce montre, à travers le silence qui imprègne son atmosphère, combien il nous est inconcevable de nous livrer, d'échanger, d'entrer en communication, quand celui qui est censé écouter fait la sourde oreille. D'emblée, Marwen Errouine inscrit sa danse dans un ailleurs, il tempère et mesure l'espace pour privilégier la qualité d'écoute et de rapport entre les corps. Ces corps qui s'attirent et se repoussent violemment ne nous laissent guère la possibilité de trouver des liaisons faciles et évidentes. C'est à ce moment que la musique donne le ton. Dramatique, voire oppressant, le rythme retrace la trajectoire de chaque corps. Une trajectoire faite d'une succession de gestes saccadés et anxieux, comme si chacun était en train d'affronter d'invisibles dangers. Immédiatement palpable, leur malaise emplit l'espace jusqu'à le saturer. Dans ce contexte de fièvre, de panique, d'incompréhension, de doute, on les sent démunis, fragiles, manipulés, livrés à eux-mêmes. Les corps paraissent instables, fuyants, malgré leur plasticité. Leur indéniable présence est obstinément orientée vers un ailleurs qui nous échappe.