Il n'existe pas de prise en charge spécialisée pour certaines formes de handicap observées chez des enfants en bas âge. Huit ans. C'est l'âge de l'insouciance et de l'innocence. C'est aussi l'âge où l'enfant plein de curiosité poursuit la découverte de l'environnement dans lequel il évolue et fourbit ses premières armes qui accompagnent naturellement le processus de socialisation et d'intériorisation des règles et des normes destinées à faciliter son intégration dans la micro-société dans laquelle il vit. C'est aussi l'âge des premiers pas dans le cursus scolaire. Tout cela se déroule sous l'œil bienveillant des géniteurs qui observent et assistent leur progéniture dans cette transition qui marque la fin de la période oedipienne et la transition de la petite enfance à l'enfance en faisant à la fois preuve de douceur et de fermeté pour poser les règles et fixer les limites nécessaires afin de permettre à l'enfant de vivre en harmonie avec soi-même et avec les autres. Riadh Ben Brahim et sa femme Manel n'ont pas eu l'opportunité ni le bonheur de suivre ce cheminement naturel de la vie. Ils sont, en effet, les parents d'une petite fille âgée de huit ans polyhandicapée et qui souffre d'une déficience intellectuelle et motrice sévère. Celle-ci est totalement dépendante de ses parents. Elle ne peut ni parler, ni marcher, ni s'habiller, ni s'alimenter toute seule. Pour les deux jeunes trentenaires, cette dépendance s'apparente à la fois à la souffrance de voir leur fille vivre dans cet état et au calvaire dû au fait qu'ils doivent l'assister durant toute la journée pour l'aider à effectuer les gestes du quotidien sans pouvoir la quitter d'une semelle. Les deux conjoints ont dû mettre leur vie en veilleuse pour se consacrer entièrement à leur fille et tenter de lui apporter un tant soi peu de confort et de bonheur. Pendant toutes ces années, ils ont vécu pour leur petite fille handicapée de huit ans. Tout tourne autour d'elle et aujourd'hui plusieurs questions se bousculent dans leur esprit. Quelle place est réservée aux enfants lourdement handicapés dans cette société ? Quels sont leurs droits ? A-t-on prévu des services et des prestations spécifiques à leur type de handicap afin de leur permettre de jouir des mêmes opportunités que leurs pairs dans les domaines de la santé, de l'éducation, de la culture... Ont-ils un avenir dans ce pays actuellement en crise? Les parents, qui ont dû supporter pendant de longues années le coût très lourd des soins apportés à leur petite fille, ont fini par pousser un cri de détresse face au manque d'assistance et d'accompagnement, dénonçant le manque d'institutions spécialisées pour ce type de handicap. Alors qu'ils ont toujours eu besoin de réconfort et de soutien, personne ne leur a tendu une main charitable pour les aider à supporter la souffrance qu'ils vivent au quotidien et, aujourd'hui, ils s'interrogent même sur l'existence de données et de statistiques sur le répertoriage des différents types de handicap chez les enfants ainsi que sur l'existence d'une prise en charge médicale, psychologique...pour chaque forme de handicap. Le couple ainsi que d'autres parents s'indignent de l'inexistence d'un consensus autour d'une définition commune des différentes formes de handicap dont souffrent un grand nombre d'enfants en Tunisie, ce qui rend l'identification des besoins de chaque catégorie ainsi que sa prise en charge difficile. Ainsi, il n'y aurait pas de prise en charge spécialisée pour le syndrome de Rett et d'Angelman dont souffre la petite fille. Face à l'inaction des autorités, le couple a décidé avec d'autres parents d'enfants de créer l'association tunisienne des syndromes d'Angleman et de Rett (dont la vice-présidente est Ichraf Kraoua) qui servira de point de départ pour informer et sensibiliser les institutions officielles sur ces deux formes de polyhandicap et pour chercher des fonds afin de créer un centre multidiciplinaire qui assure la prise en charge médicale et éducative des enfants atteints de ces syndromes afin de répondre à leur attentes et besoins et de leur permettre de mener une vie aussi normale que possible.