La présidente de l'Instance vérité et dignité (IVD), Sihem Ben Sedrine, a indiqué hier que la loi exige de l'instance de parachever le processus de justice transitionnelle et d'accomplir les travaux qui lui sont confiés, affirmant que «l'IVD continuera à accomplir sa mission et va la mener à terme dans les délais impartis». Lors d'une conférence de presse, Ben Sedrine a indiqué que l'Instance n'est pas impliquée dans la controverse provoquée par les députés au sujet des résultats du vote autour de la prolongation du mandat de l'IVD, soulignant que «l'instance poursuivra ses travaux tant qu'elle n'a pas reçu une décision officielle de l'arrêt de son mandat». «Celui qui veut faire avorter le travail de l'IVD œuvre, en réalité, à faire avorter le processus de justice transitionnelle», a-t-elle affirmé. La présidente de l'Instance a fait remarquer que le traitement d'un volume aussi important de dossiers de violation n'a été confié auparavant à aucune autre instance sauf à l'IVD. «Celle-ci a pour mission d'obtenir des excuses officielles de l'Etat aux victimes et réaliser une réconciliation globale et nationale afin de rétablir l'unité du peuple», a-t-elle expliqué. Répondant aux accusations de certains députés sur le fait que l'IVD n'a pas accompli la mission qui lui a été confiée, Ben Sedrine a présenté un rapport sur les travaux de l'Instance pendant quatre ans, notamment l'audition de 49 mille et 70 victimes et l'organisation de 13 séances d'audition publiques pendant lesquelles la réalité des violations a été révélée. Le parachèvement du travail de l'Instance constitue le point de départ de l'application d'un programme global dont la réforme des institutions, a-t-elle indiqué. Selon Ben Sedrine, l'Instance a pris la décision de prolonger son mandat en raison des multiples obstacles mis par les organismes de l'Etat qui sont tenus de coopérer avec l'Instance et faciliter son travail. A l'inverse, a-t-elle regretté, certains de ces organismes n'ont pas voulu coopérer et appliquer la loi, notamment la présidence du gouvernement, l'Assemblée des représentants du peuple, les tribunaux et le ministère des Domaines de l'Etat représenté par le chargé du contentieux de l'Etat. Les députés avaient voté, lundi, en plénière, contre la décision de l'IVD de prolonger son mandat d'une année dans un climat très tendu. Lors d'une séance plénière, 68 députés avaient voté contre la décision de la prolongation du mandat de l'IVD et deux autres se sont abstenus. Aucune voix pour la prolongation du mandat n'a été enregistrée. Plusieurs députés se sont retirés de la séance sans effectuer le vote, notamment des députés du bloc parlementaire du mouvement Ennahdha et du bloc démocratique. Par ailleurs, le vice-président de la Commission recherche et investigation à l'Instance vérité et dignité (IVD), Ali Ghrab, a indiqué que la présidente de l'IVD, Sihem Ben Sedrine, n'associe pas les membres de l'Instance au processus de prise de décisions comme le suppose la règle démocratique. Prenant la parole au cours de la conférence de presse tenue au siège de l'IVD, directement après l'intervention de Sihem Ben Sedrine, Ali Ghrab a estimé que la situation qui prévaut au sein de l'IVD ne se justifie pas uniquement par des faits exogènes mais aussi par des faits endogènes. «L'IVD connaît des difficultés d'ordre interne dès lors qu'une certaine forme de favoritisme y est pratiquée», a-t-il accusé. Dire la vérité aux Tunisiens suppose que les institutions de l'Etat respectent la loi, a-t-il dit, d'autant que l'article 18 de la loi organique relative à l'instauration de la justice transitionnelle et à son organisation stipule que seule l'instance est habilitée à évaluer l'état d'avancement de son travail. Pour le vice-président de la Commission recherche et investigation, dévoiler la vérité commande de réunir les conditions propices et un climat favorable à l'intérieur de l'IVD sur la base du respect mutuel. Plusieurs personnes présentes à la conférence de presse dont les dossiers sont traités par l'IVD ont critiqué l'intervention de Ali Ghrab, jugée comme une atteinte au processus de justice transitionnelle. Ces personnes ont organisé un rassemblement à l'intérieur de l'Instance et ont appelé à l'organisation d'un sit-in devant le siège de l'IVD pour réclamer la prolongation de son mandat, la protection du processus de justice transitionnelle et la réparation des injustices.