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L'âme entre le «oui» éperdu et la tromperie du «non»
Philosophie et psychanalyse
Publié dans La Presse de Tunisie le 30 - 03 - 2018


Par Raouf SEDDIK
L'âme éprise se révèle à elle-même à travers sa rencontre avec Dieu et cette révélation est centrale : voilà ce que nous dit sur l'âme la tradition abrahamique par-delà les variantes de ses textes et de ses récits. La sagesse de l'âme qui s'est ainsi révélée à elle-même est de savoir, avec autant de clarté et de certitude, qu'elle n'a aucune existence en dehors de l'amour qui l'unit à Dieu, en dehors du sacrifice qu'elle fait d'elle-même à l'Aimé et du don qu'elle reçoit de Lui en retour... L'âme n'a pas d'existence par elle-même : elle n'est pas une chose subsistante à qui arrive, seulement ensuite, des événements qui l'agitent. La prétention d'être par soi-même, voilà ce dont elle se garde comme d'une ignorance, d'une illusion de conscience, d'une folle errance.
A ceux qui, prisonniers d'une conception moderniste de l'action, voudraient s'empresser de se convaincre qu'une telle âme serait piégée dans une posture mystique et rendue incapable de transformer le monde ou d'agir sur lui, il faudrait attirer l'attention sur le fait qu'au contraire, la relation d'amour — constitutive — en laquelle elle persévère appelle l'âme à faire de tout le monde une vaste consécration et une vaste célébration de ce dont elle est éprise et sans quoi elle n'est rien. Ce qui induit du travail, aussi bien solitaire qu'avec les autres âmes, également éprises, en compagnie desquelles il s'agit de partager une œuvre. Ce travail ne devient une malédiction et une peine qu'à partir du moment où l'âme s'est détachée de la relation à Dieu et s'est mise au service de sa propre subsistance.
Car, en effet, l'âme qui n'est rien, disons-nous, en dehors de la relation amoureuse qui l'unit à Dieu, est cependant cette chose qui peut bâtir sur son néant une prétention d'être. Cela tient au fait que le sacrifice de soi n'a de sens que s'il s'accomplit sur fond de possibilité de ne pas s'accomplir. Son «oui» ne prend sa force que parce qu'un «non» existe comme alternative.
Le camp du «oui» et le camp du «non»
L'âme qui se tient face à Dieu, et qui désormais se détourne de lui, semble inaugurer la carrière d'une existence émancipée. En réalité, elle ne cesse pas de se perdre dans son illusion d'être : illusion ouverte pour elle par l'option du «non».
Le basculement du «oui» au «non», pour l'âme que nous appelons «éprise», peut paraître inconcevable. Car il faudrait qu'elle ait cessé d'être éprise pour envisager pareille option. Or nous avons souligné et répétons à nouveau que la relation de l'âme à l'infini de Dieu ne peut être que de sacrifice : découvrir Dieu, c'est l'aimer à la folie. Dans le sacrifice absolu. Il y a là un lien de nécessité. Refuser le sacrifice, cela suppose que Dieu ait cessé d'être là, qu'il se soit caché...
Nous sommes manifestement sur une difficulté de la pensée. Il y a ce qu'on appelle un «cercle» : pour que le «non» puisse seulement se proposer comme option à l'âme éprise, il faut que Dieu se soit retiré mais, d'un autre côté, c'est parce que l'âme est prise au piège de l'illusion dans laquelle la fait tomber le «non» qu'elle perd la trace de Dieu, que Son infini se voile à ses yeux et qu'ainsi Il se retire de son monde. Les deux sont vrais sans que l'on sache ce qui est premier, et l'intuition des anciens concernant cette difficulté fut de faire intervenir un tiers déclencheur, qui est un tiers séducteur. C'est l'autre âme, celle qui est partenaire dans le travail, dans la réalisation de l'œuvre, qui va détourner l'âme éprise par l'infini de Dieu pour se proposer à lui comme objet — fini — de son amour. Que cette âme séductrice soit celle de la femme et celle qu'elle détourne et fait «chuter» celle de l'homme, ou l'inverse, n'est pas ce qui importe. Ces détails du récit ont un caractère didactique marqué peut-être par la culture de l'époque. Ce qu'on retient, c'est l'action d'une âme finie qui va se proposer comme concurrente à l'amour de Dieu et qui va rendre possible cette errance de l'âme affirmant son être alors même qu'elle est victime de son illusion d'être, d'être par soi-même.
Mais c'est vrai en même temps que de la même manière que l'âme éprise aspire au partage de la célébration avec d'autres âmes — en quoi prend sens un travail de transformation du monde —, l'errance de l'âme qui érige son être à partir du refus du sacrifice, à partir du «non», est une errance qui advient sous le signe de la complicité. Elle a aussi une dimension collective. Et elle tire ensuite de la force de son union avec ses âmes complices la capacité d'imposer le principe d'une réalité à ce qui en est dépourvu. Non seulement cela mais se déclare une guerre ontologique entre l'âme du «oui», avec son camp, et l'âme du «non», avec le sien, dans la mesure où cette dernière considère désormais que seule est, seule est conforme à son véritable être, l'âme qui s'est insurgée, qui s'est affranchie de la relation à Dieu et que, à l'inverse, l'âme qui demeure dans le giron de Dieu est une âme qui se prive du pouvoir d'être. Ce qui, bien sûr, est vu par l'âme du «oui» comme le prolongement d'une même violence, que la déesse de Parménide dénonçait déjà : penser et déclarer que le non-être est et que l'être n'est pas. Le même coup de force qui veut échapper à l'illusion d'être par l'affirmation collective d'une réalité de soi autosuffisante porte la violence du combat sur le territoire désormais adverse en prétendant que la réalité de l'âme qui tient son être de la relation à Dieu, à travers le jeu du sacrifice et du don, est une réalité fallacieuse.
Le paradoxe des deux impératifs
Cela étant dit, s'ajoute à ce tableau de l'âme dans la tradition abrahamique un élément essentiel, auquel nous avions fait allusion quand nous avons, dans un article précédent, évoqué la justice divine. C'est-à-dire, par conséquent, le besoin de fixer chaque âme dans une identité éternelle de manière à ce que chacune d'entre elles rende compte des injustices qu'elle a pu commettre et que, d'un autre côté, il soit possible que justice lui soit rendue aussi pour les injustices commises à son encontre. Nous avons rappelé des textes dans les trois traditions abrahamiques qui soulignent l'importance de ce thème de leur point de vue.
Une autre difficulté s'invite donc ici, non moins redoutable que la précédente, qui concerne la conciliation entre la sévérité de Dieu, sa colère dans la façon de faire justice, et son amour. C'est une pierre d'achoppement pour beaucoup de penseurs religieux et de fidèles que de se méprendre sur le sens de la relation entre amour de Dieu et justice de Dieu, en radicalisant l'antagonisme entre les deux et sans prendre garde que la justice, même lorsqu'elle est colère, doit être pensée aussi comme expression de l'amour. La «vengeance» divine nous abuse quand on cesse de voir que l'amour y est à l'œuvre. Et certains se croient inspirés d'occulter ce côté vengeur pour sauver l'amour, précisément parce qu'ils ne parviennent pas à surmonter ce qui est pour eux une contradiction. Nous sommes là sur le terrain de la théologie, mais la question nous intéresse parce qu'elle renferme la clé de la conciliation entre l'idée d'une âme éprise qui se dénie toute existence par elle-même et en dehors du mouvement amoureux qui l'unit à Dieu et, d'autre part, celle d'une existence nécessaire et éternelle de l'âme afin que justice soit faite en ce qui la concerne de façon individuelle. D'un côté il est impératif d'affirmer qu'elle n'a pas d'existence propre, d'un autre il est impératif d'affirmer qu'elle en a !


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