Le personnel de la Pharmacie centrale de Tunisie a tiré au cours de cette semaine la sonnette d'alarme en raison de la baisse des stocks de médicaments et du non-remboursement des dettes qui s'élèvent à plus de 800 MD par les établissements hospitaliers et la Cnam. Les dépenses en produits pharmaceutiques en 2016 demeurent élevées et représentent 28% des dépenses courantes en santé. Epuisement des stocks de médicaments, cumul des dettes, suspicion de corruption et de vol, la Pharmacie centrale de Tunisie passe par une période bien difficile à gérer. Et pourtant un plan d'action et une stratégie en matière de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption ont été dévoilé, à l'occasion de la tenue du 1er colloque international sur «La bonne gouvernance et la lutte contre la corruption dans le secteur de la santé». (Lire notre article publié le 30/11/2017 sous le titre « Rien ne sera plus comme avant à la Pharmacie centrale »). Il est temps de descendre de son piédestal Dans l'une de ses déclarations précédentes à l'occasion de ce colloque, le président-directeur général de la Pharmacie centrale de Tunisie, Moez Mokaddem, a révélé que les risques de corruption se situent au niveau de l'approvisionnement, du stockage et de la distribution (rotation des stocks, contrebande). Parmi les actions préventives qui figurent dans son plan d'action qu'il avait présenté, il a cité la mise en place durant le premier semestre 2018 d'un manuel de procédures et d'un règlement intérieur pour la commission d'achat des médicaments. L'informatisation de la gestion du stock national des médicaments et du système de facturation afin de permettre une traçabilité parfaite des médicaments de la PCT jusqu'aux officines, ainsi que l'utilisation de la plateforme d'achats en ligne «Tuneps» figurent parmi la panoplie de mesures annoncées et visant à lutter contre la contrebande des médicaments et l'identification des responsables. Quelques mois après l'annonce de ces mesures, la situation n'a fait qu'empirer davantage. Le ministre de la Santé n'a pas hésité de son côté à transférer certains dossiers de suspicion de vol de médicaments à la justice, ce qui témoigne de la gravité de ce fléau qui gangrène ce secteur. Ce n'est pas un hasard si parmi les 125 recommandations issues du rapport final de l'Instance nationale de lutte contre la corruption (INLUCC), 50 sont consacrées au secteur de la santé. Les dépassements liés au trafic des médicaments coûtent à l'Etat près de 400MD par an, selon Chawki Tabib, président de l'INLUCC. C'est toujours le même scénario, les responsables parlent d'un « avenir meilleur » pour ce secteur, de plans d'action, de stratégie visant l'accroissement de la transparence, la responsabilisation et les pratiques éthiques quand la crise prend de l'ampleur et le débat s'enfle autour de ce secteur. Aujourd'hui, il est urgent de se démarquer des discours évasifs qui tentent d'éluder les difficultés, de descendre de son piédestal et de travailler plus sur le terrain. Il est question de prendre le taureau par les cornes et sévir en appliquant vigoureusement la loi et en renforçant l'intégrité institutionnelle du secteur des médicaments. L'urgence de la réformedes caisses sociales Joint par téléphone, M.Kamel Idir, expert de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et ancien directeur de la Direction de la pharmacie et du médicament (DPM), a souligné que la situation financière difficile par laquelle passe actuellement la PCT est causée par plusieurs facteurs, dont le non-paiement des sommes dues par les structures hospitalières publiques estimées à plus de 800 MD. La Pharmacie Centrale est en train de fournir les médicaments sans qu'elle soit payée en contrepartie. C'est impossible de se relever quand il y a autant de défaillances, fait-il remarquer. Il faut que les structures hospitalières s'acquittent de leurs dettes à l'égard de la Pharmacie Centrale pour que cette dernière puisse continuer à leur fournir les médicaments. Il faut que la PCT évite la politique de l'auto-compensation qu'elle est en train de suivre et qu'elle fasse preuve de plus de vigilance. Les solutions sont à chercher du côté de la réforme des caisses sociales qui tarde à se concrétiser, puisqu'on vit aujourd'hui dans un cercle vicieux. « Il faut faire vite au niveau des réformes » pour éviter le pire, souligne-t-il. Certes d'autres causes d'ordre structurel ont accentué cette crise au sein de la Pharmacie Centrale et qui touchent en général le secteur de la santé. L'instabilité observée à la tête de ce ministère avec la nomination de plus de neuf ministres en quelques années, n'a fait que compliquer, perturber et contrecarrer la mise en œuvre des plans de travail, conclut Kamel Idir. On rappelle que le personnel de la Pharmacie centrale de Tunisie a tiré au cours de cette semaine la sonnette d'alarme en raison de la baisse des stocks de médicaments et le non-remboursement des dettes qui s'élèvent à plus de 800 MD par les établissements hospitaliers et la Cnam au profit de la PCT. Il est aussi à signaler que les dépenses en produits pharmaceutiques en 2016 demeurent élevées et représentent 28% des dépenses courantes en santé.