Les 56 unités d'industrie pharmaceutique couvrent 44% des besoins en médicaments. Bien que de qualité, les médicaments génériques restent assez dénigrés par les Tunisiens. Le ministère de la Santé a organisé, avant-hier à Tunis, un déjeuner-débat portant sur les médicaments en Tunisie. L'objectif étant de zoomer sur une préoccupation des plus notables qui interpellent aussi bien les professionnels de la santé, ceux de la pharmacologie et de l'industrie pharmaceutique mais aussi le citoyen-consommateur. M. Mohamed Salah Ben Ammar, ministre de la Santé, a souligné, d'emblée, l'importance de l'approvisionnement en médicaments qui engloutit, à lui seul, 27% du budget alloué à la santé et qui représente près de 40% des dépenses des ménages en matière de santé. Il a saisi l'occasion pour saluer l'industrie pharmaceutique tunisienne dont le développement et la pertinence garantissent pas moins de 65% du volume des médicaments. L'apport de la Pharmacie centrale de Tunisie, en ce sens, ne peut passer inaperçu. La PCT bat un record en matière de garantie du stock national de médicaments à travers une réserve suffisamment importante pour subvenir aux besoins de la société durant 107 jours. La valeur du stock actuel s'élève en effet à 362MD contre seulement 254MD en 2011. Notons que la réserve relative à 2008 ne dépassait pas les trois mois. Le ministre a évoqué, en outre, l'évolution des subventions appliquées sur les médicaments. Une évolution qui se traduit, actuellement, par une valeur de 100MD, soit le double par rapport à la valeur enregistrée en 2012. Cette évolution positive met l'Etat face à un dilemme économique, puisqu'il convient d'ajuster les subventions selon les mutations que connaît l'utilisation des médicaments. Nous assistons, en effet, à une augmentation palpable de la consommation des médicaments due, entre autres facteurs, au nombre des Libyens résidant en Tunisie (1,5 million de Libyens environ ) mais aussi au trafic des médicaments sur les frontières auquel, d'ailleurs, il est urgent de faire face. Les médicaments : 44% des dépenses des ménages Prenant la parole, Mme Inès Ayadi, professeur en économie de santé, a avancé des indicateurs qui résument le dossier relatif aux médicaments. En effet, 27% des dépenses de la santé ont trait aux médicaments ( 2012 ). La part du secteur public en matière de consommation de médicaments est de l'ordre de 32% contre 68% pour le privé. Les médicaments coûtent cher aux ménages, puisqu'ils accaparent 44% des paiements directs des ménages en matière de santé (des paiements non remboursés). Dans le secteur privé, le pourcentage s'avère être plus marquant : 66% des dépenses sont assurés par les ménages. Il est utile de savoir que seulement 34% desdites dépenses sont prises en charge par l'Etat, donc par la CNAM. L'oratrice a souligné que le coût de la consommation des médicaments pour l'année 2013 s'élève à 1440 MD : quelque 807 MD pour les médicaments importés qui représentent 56% de la consommation et 631 MD pour les médicaments locaux qui couvrent 44% de la consommation. «Nous avons perdu la bataille en matière de rationalisation du recours aux antibiotiques !» De son côté, Mme Inès Fraïdi, responsable de la direction de la pharmacie et des médicaments (DPM), s'est penchée sur la consommation des médicaments. Les études montrent que la classe thérapeutique la plus consommée en Tunisie est celle des antibiotiques et des anti-infectieux. Les Tunisiens continuent à recourir à l'automédication en optant pour les antibiotiques. «Nous avons perdu la bataille en matière de rationalisation de l'utilisation des antibiotiques», a avoué le ministre. Autre leurre dont est victime le citoyen-consommateur de médicaments : bouder les médicaments génériques au profit des princeps. «Pourtant, c'est exactement la même molécule que pour les princeps. Les génériques sont moins chers non pas parce qu'ils sont moins efficaces mais pour une raison toute simple : pour fabriquer un médicament générique, les laboratoires ne sont pas dans l'obligation d'effectuer des recherches. La molécule est déjà disponible. D'où l'impératif de sensibiliser à l'utilisation des génériques qui présentent les mêmes vertus et à des coûts nettement réduits», a expliqué Mme Fraïdi. Médicaments : une question de vigilance La production des médicaments obéit à des critères bien déterminés, à des techniques de pointe, mais aussi à un suivi rigoureux. Il s'agit, surtout pour les médicaments génériques, d'être à l'écoute des notifications et des réclamations des professionnels et des particuliers. Le Centre de pharmacovigilance s'applique à cette mission. Classé deuxième dans la régions africaine et arabe, c'est bien ce mécanisme qui examine les récurrences des effets indésirables détectés. Le centre peut même décider de la suspension d'un médicament et même de son retrait du marché. M. Mohamed Lakhal, directeur du centre de pharmacovigilance, a rassuré l'assistance quant à la pertinence dudit centre. Il a rappelé que depuis 1992, le centre fait partie du réseau de pharmacovigilance relevant de l'OMS. Il contribue, de ce fait, à l'élaboration et à l'actualisation de la base de données internationale en la matière. De son côté, M. Lamine Mouley, président-directeur général de la pharmacie centrale de Tunisie (PCT), a indiqué que la PCT se heurte à un problème de mobilisation des ressources nécessaires pour assurer l'approvisionnement régulier en médicaments, ce qui ne l'empêche pas pour autant de garantir un stock important de médicaments importés et autres, de fabrication locale. Le rôle de la PCT consiste à répondre favorablement aux besoins en médicaments ; des besoins qui augmentent, annuellement, de 11%. La PCT relève le défi en enregistrant une évolution importante du stock de médicaments, passant de 254 MD en 2011 à 363 MD ( selon les données relatives à septembre 2014 ). Le Pdg de la PCT a soulevé un problème épineux qu'endure la PCT : les impayés du secteur public nuisent au budget de la PCT. Le montant global des impayés s'élève à 322MD.