Le président-directeur général de la Pharmacie centrale de Tunisie et la représentante du ministère de la Santé dévoilent les plans d'action et stratégies en matière de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption. Le 1er colloque international autour de «la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption dans le secteur de la santé» a été organisé les 28 et 29 novembre par la Faculté des Sciences juridiques et sociales de Tunis et l'Instance nationale de lutte contre la corruption (Inlucc) avec l'appui de l'ambassade du Canada et la Giz qui opère pour le compte du ministère fédéral allemand de la Coopération économique et du développement. Ce colloque vise à appréhender les normes et obligations légales, nationales et internationales en matière de prévention et de lutte contre la corruption dans un secteur aussi important que celui de la santé mais qui est très touché par la corruption. Le président de l'Inlucc, Chawki Tabib, a souligné que seulement 2% de la population en Allemagne ne sont pas satisfaits du secteur de la Santé. Le même degré d'insatisfaction est observé au niveau du secteur de l'éducation. Il ne faut pas trop philosopher, la clé de la réussite pour l'instauration de la Deuxième République en Tunisie passe inéluctablement par la réussite dans ces deux secteurs, a-t-il tenu à confirmer. Parmi les 125 recommandations contenues dans le rapport final de son instance, 50 recommandations sont réservées au secteur de la santé, mais cela ne veut pas dire que la corruption ne gangrène que ce secteur, attendu qu'elle est plus perceptible dans d'autres secteurs. Chawki Tabib confirme toutefois que dans les secteurs de l'éducation et de la santé, il faut appliquer le principe « Zéro tolérance». Nouveau plan d'action de la Pharmacie centrale Le président-directeur général de la Pharmacie centrale de Tunisie, Moez Mokaddem, a dévoilé lors ce colloque le plan d'action de la PCT en matière de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption. Il était grand temps ! Les regards des observateurs étaient tous braqués sur la PCT ces derniers mois comme en témoigne le CMR qui a été présidé par le chef du gouvernement et consacré à la situation financière difficile de cette institution. Dans son exposé, Moez Mokaddem déclare que le chiffre d'affaires de la PCT a été estimé en 2016 à 1,2 milliard de dinars. Quant aux risques de la corruption, ils se trouvent au niveau de l'approvisionnement (programmation et passation des commandes, marchés publics) du stockage (vol des médicaments et des psychotropes, péremption des médicaments), ainsi qu'au niveau de la distribution (rotation des stocks, contrebande). Parmi les actions préventives qui figurent dans ce plan d'action, il cite, au niveau de la gouvernance interne, la mise en place durant le premier semestre 2018 d'un manuel de procédures, et d'un règlement intérieur pour la commission d'achat des médicaments avant le 31 décembre 2017. Il évoque aussi, dans le même cadre dudit plan, deux axes importants, à savoir la concrétisation de la transparence et l'accès à l'information. En ce qui concerne la numérisation, il a parlé de la mise en place d'une application informatique pour la gestion du stock national des médicaments, d'un système de facturation électronique, l'utilisation de la plateforme d'achats en ligne «Tuneps». A noter que ce système de facturation électronique sera opérationnel début janvier 2018, et permettra une traçabilité parfaite des médicaments de la PCT jusqu'aux officines, ce qui facilitera la détection de cas de contrebande et l'identification des responsables. Programme de bonne gouvernance des médicaments Mme Imen Fradi, chargée de mission au cabinet du ministère de la Santé et directeur de la pharmacie et du médicament, a présenté, à son tour, l'état d'avancement et les perspectives du programme de bonne gouvernance des médicaments. Elle a souligné que les dépenses en produits pharmaceutiques en 2016 représentent 28% des dépenses courantes en santé .La corruption dans leww secteur pharmaceutique contribue à la diminution de la capacité des pouvoirs publics à assurer l'accès à des médicaments essentiels de bonne qualité, et impacte négativement l'économie. Les abus et le manque de transparence réduisent la crédibilité des institutions publiques, et érodent la confiance des donateurs, souligne Mme Fradi. Le programme de la bonne gouvernance des médicaments vise l'amélioration de la gouvernance dans le secteur pharmaceutique, l'accroissement de la transparence, la responsabilisation et les pratiques éthiques. La stratégie de bonne gouvernance des médicaments dans le cadre national est basée sur les valeurs et sur la discipline, ce qui implique le renforcement de l'intégrité institutionnelle, la promotion des pratiques morales et éthiques, l'adoption de lois régissant la gestion du secteur pharmaceutique, l'application des sanctions adéquates en cas d'infraction. Consacrer les principes de transparence De son côté, le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, Slim Khalbous, a tenu à rappeler que la lutte contre la corruption figure parmi les priorités de la politique du gouvernent mais qu'il était plus important que de traduire cette lutte sur le terrain par des actions concrètes. Il a insisté sur le devoir de lutter contre ce phénomène qui gangrène la société et la nécessité d'appuyer tous les efforts par la consécration des principes de la bonne gouvernance. M.Khalbous a, dans ce contexte, rappelé que 20% de la recherche scientifique en Tunisie est consacré à la santé, ce qui marque l'étroite collaboration entre les deux secteurs. Dans son intervention, Andreas Reinicke, ambassadeur d'Allemagne en Tunisie, a confirmé que malgré les pourcentages flatteurs présentés par le président de l'Inlucc, la corruption existe aussi dans son pays. La corruption protège les forts et affaiblit les vulnérables, fait-il remarquer. Il a mis l'accent sur l'importance donnée par les investisseurs allemands à l'indice de perception de corruption dans notre pays. L'ambassadeur allemand a insisté sur la question de transparence dans la prise des décisions, et a appelé à éviter la création de plusieurs commissions de contrôle qui ne feront que diluer la responsabilité en cas de découverte de la corruption. Le secteur de la santé nécessite la consécration des principes de bonne gouvernance, a confirmé Habib Kobaâ, chargé des services de la gouvernance à la Présidence du gouvernement .Il a préconisé le développement des capacités des leaderships et des contrôles internes au niveau des hôpitaux. Un colloque riche en débats qui contribuera à coup sûr à la concrétisation de la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption dans le secteur de la santé d'autant plus que le sujet a été débattu dans la prestigieuse Faculté des Sciences juridiques et sociales de Tunis. Le prochain colloque se penchera sur le secteur de l'Education, assure le doyen Mme Neïla Chaâbane qui, rappelons-le, a eu l'idée de créer un magistère «Bonne gouvernance et lutte contre la corruption». La lutte commence bel et bien par le Savoir, sur les bancs de la faculté.