Réunis récemment avec le ministre de la Santé publique M. Mondher Zenaidi, les membres du bureau directeur de la chambre nationale des industriels pharmaceutiques (CNIP) conduits par M. Maher Kamoun président de la chambre, ont exprimé la volonté de la profession d'exploiter toutes ses capacités afin d'assurer continuellement la disponibilité du médicament dans le pays, et de conquérir de nouveaux marchés extérieurs. La réunion a permis d'examiner les moyens de développer la jeune industrie locale des médicaments et de lui conférer un surcroît de vitalité dans un contexte de mondialisation des échanges économiques, de partenariat avec l'Union Européenne et d'entrée en application de la réforme de l'assurance maladie. Secteur stratégique, à haute technologie et à haute valeur ajoutée, sur lequel l'Etat a misé pour accompagner le développement humain par une production locale des besoins en médicaments, les industries pharmaceutiques dévoilent deux grands faits : c'est un secteur qui a connu un essor au cours de ces quinze dernières années et il est exposé à la concurrence internationale, avec l'ouverture des marchés dans le cadre de l'OMC.
La distribution, quelques difficultés Le secteur pharmaceutique tunisien présente des spécificités uniques de fonctionnement et d'intervention d'acteurs publics. En Tunisie, la distribution en gros est assurée en partie par la Pharmacie Centrale de Tunisie (PCT) en ce qui concerne les médicaments d'origine essentiellement chimique et par l'Institut Pasteur de Tunis (ITP) pour les vaccins, les sérums et les dérivés du sang, mais aussi par le réseau de grossistes répartiteurs privés. Le secteur privé constitue le principal vecteur de distribution du médicament au travers du réseau des grossistes répartiteurs et des pharmacies d'officine. Il existe 50 grossistes répartiteurs employant 1000 personnes mais la PCT a l'exclusivité de la distribution des médicaments pour le secteur public mais elle est en concurrence avec les grossistes répartiteurs pour le secteur privé. Les grossistes répartiteurs sont des intermédiaires entre les importateurs (PCT et IPT) ou les fabricants locaux d'une part et les pharmacies d'officine de l'autre part. La marge officielle des grossistes est de 8%.
Le secteur en chiffres Le secteur des industries pharmaceutiques, qui compte 27 unités de fabrication, dont une seule est publique, réalise un chiffre d'affaires de 212 millions de dinars, sur des besoins estimés à 464 MD. Il emploie 3000 agents dont 30% sont des diplômés de l'université. Le nombre d'unités a rapidement évolué puisqu'il n'était seulement que de 3 unités au début des années 90. Sur les 27 laboratoires, un seul est à participation étatique, 4 sont des filiales de groupes multinationaux et 22 appartiennent à des privés tunisiens. 56% des laboratoires sont implantés dans le Grand-Tunis, Sfax et Sousse. Les chiffres de la direction de la pharmacie et des médicaments relevant du ministère de la Santé publique, montrent que les investissements dans ce secteur sont passés de 35,3 MD en 1989 à plus de 300 MD en 2006. Les importations du secteur ont évolué de 105 MD en 1993 à 270 MD en 2006 et la couverture des besoins par la production locale est passée de 42 MD à 212 MD durant la même période. 80% des importations sont réalisées par la PCT. Les dépenses de Santé par habitant en Tunisie sont passées de 76 dinars par personne en 1990 à 370 dinars en 2006, soit une progression annuelle de plus de 12%. La valeur de la consommation nationale en médicaments est passée de 346 millions de dinars en 1999 à 464 millions de dinars en 2006, soit une évolution annuelle de plus de 6%. Environ 60% de la consommation pharmaceutique totale sont dispensés par les officines, les 40% restants correspondant à la consommation à l'hôpital. Les industries pharmaceutiques locales n'ont pu satisfaire la demande de plus en plus croissante en médicaments. 56% des médicaments consommés en Tunisie proviennent de l'importation.
Créneau porteur mais à coûts élevés L'évolution est donc nette dans ce secteur, mais les défis pour la prochaine période sont aussi bien importants. Le secteur s'ouvre aujourd'hui sur les marchés extérieurs et cela présente des opportunités d'exportation, bien entendu, mais il ne faut pas oublier que le marché local s'ouvre lui aussi à des produits étrangers. Une question fondamentale se pose donc : dans quelle mesure le produit tunisien est-il compétitif ? Il s'avère que la production locale est réalisée à partir de matières premières entièrement importées. Aussi, est-il vrai qu'une bonne proportion est fabriquée sous licence. La valeur ajoutée se situe donc au niveau de la main-d'œuvre, et elle n'est pas négligeable : le secteur compte principalement sur les hautes compétences. C'est un secteur qui fait appel à d'autres activités, jouant donc le rôle de moteur économique. Ici, il ne faut pas oublier les pays concurrents qui n'importent pas la matière première. Ils auront des prix de revient moins élevés. Il y a également le coût de la conservation de la matière première, du moment où il s'agit de produits délicats. Chaque unité doit disposer d'un laboratoire interne d'analyse pour contrôler le produit avant son entrée en usine, pendant son stockage et après sa transformation. A cela, il faut, bien sûr, ajouter le coût du marketing : les délégués médicaux qui nécessitent eux-mêmes un budget que ce soit sur le marché intérieur ou extérieur. Sur le plan réglementaire, le produit pharmaceutique est soumis à des normes très strictes, que ce soit pour les produits locaux ou importés. Le ministère de la Santé publique a le droit d'effectuer des contrôles sur tout l'itinéraire du médicament, depuis l'importation et même lorsque le produit est sur le marché, tout en passant par la phase de transformation.
11 points de la stratégie de développement du secteur à l'horizon 2016 La stratégie de développement du secteur à l'horizon 2016 a été regroupée autour de 11 principales actions. Elle porte sur la mise en oeuvre progressive de nouvelles mesures pour accompagner cette industrie et lui permettre de relever avec succès les défis posés par l'intégration de la Tunisie à l'espace économique européen. ** Il s'agit pour les entreprises : -D'augmenter la part des marchés des produits entièrement contrôlés par des laboratoires fabriquant en Tunisie. -De développer des exportations tunisiennes du façonnage des produits pharmaceutiques pour le compte de laboratoires étrangers. -De promouvoir la fonction marketing des laboratoires tunisiens. -D'encourager l'émergence des laboratoires tunisiens de plus grande taille. -De consolider le façonnage entre laboratoires tunisiens. ** Quant aux institutions : -Il est question de réorganiser le système de distribution. -De modifier la réglementation concernant les produits génériques pour faciliter leur diffusion. -De définir un système de révision des prix de vente des produits pharmaceutiques. -D'explorer des possibilités offertes par la biotechnologie. -De créer davantage d'entreprises et de partenariats.