Une nouvelle édition du livre de Hamadi Redissi vient de voir le jour chez Cérès : «L'Islam incertain» (révolution et islam post-autoritaire), un livre qui a reçu le prix des rencontres philosophiques d'Uriage. «Jamais le jihadisme n'a été aussi prospère qu'en contexte post-autoritaire. Il étend son domaine de lutte en Europe. Et il menace la paix mondiale. C'est l'islamisme à répétition», écrit Hamadi Redissi dans «L'Islam incertain» qui paraît chez Cérès dans une nouvelle édition. Un livre où l'auteur, professeur de sciences politiques à l'université de Tunis, nous donne un éclairage particulier sur l'islam post-révolutionnaire dans les pays arabes et en Tunisie. Il traite des trois courants islamistes apparus après la révolution, du courant le plus modéré au plus violent, à savoir celui de Daech. Après l'autoritarisme et la dictature rasés par la révolution, de quel profil s'impose l'islam aujourd'hui ? Un profil incertain selon l'auteur, puisqu'il est assis entre deux bancs : l'autoritarisme islamo-féodal et ses dérives violentes, d'une part, et la démocratie séculière, d'autre part. «L'autoritarisme a vécu, écrit Hamadi Redissi, il a épuisé toutes ses virtualités. Il n'a plus d'avocats. Durant des décennies, il s'est abrité derrière l'édification nationale, la nation building, les routes qu'on asphalte et les écoles qu'on inaugure, chiffres à l'appui. Frappé de discrédit, il n'est plus légitime, c'est-à-dire consenti. Au départ, il pouvait se prévaloir de ce préjugé favorable qui accompagne tout début prometteur. Là, il est lâché, même par ses émules. Rien n'illustre mieux la détestation de ce pouvoir que cette saillie qui entaille le ciel de Tunis un certain 14 janvier 2011 «Le peuple veut ! Le peuple veut abattre le régime», ce qui marque à l'échelle arabo-islamique la fin ontologique d'un pouvoir fondé sur la force nue. Ceci pour dire : l'islam post-autoritaire est «prima facie», un rejet du régime autoritaire. Au-delà, rien n'est décidable. Autant dire, l'islam autoritaire ouvre l'ère des mondes possibles, du meilleur au pire. «Ce livre est aussi une entreprise de clarification. Il apporte un démenti formel aux théories qui ont cours sur l'Islam politique». Faut-il donner crédit aux intentions démocratiques et même et à l'intégration institutionnelle des islamistes ou faut-il s'en méfier ? Faut-il se méfier de la dérive théo-démocratique ? Voici tant de questions auxquelles Hamadi Redissi tente d'apporter un éclairage. Les révolutions arabes sont-elles réussies? Sur ce point, l'auteur demeure prudent dans ses réponses. Cela dit, l'islam post-autoritaire connaît, d'après l'auteur, une double tentation : celle du néo-autoritarisme et celle de l'islamisation de l'espace public. Un mélange détonant qui combine le pluralisme, le populisme religieux, qui n'a cessé d'être ballotté depuis, entre laïcs, militaires et islamistes. Ce sont les islamistes tunisiens qui, au pouvoir, ont été acculés à faire des concessions après une phase dramatique et violente. «La double dérive est momentanément écartée. Sinon aucune expérience démocratique n'est prémunie du néo-autoritarisme. Aucune n'est à l'abri non plus de l'islamisme à répétition», écrit Hamadi Redissi.