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L'Islam incertain : Révolutions et Islam post-autoritaire
Publié dans Business News le 19 - 10 - 2017


Notes de lecture de Gilles Bernard Vachon*

Pour Hamadi Redissi, l'insurrection tunisienne de janvier 2011 a contresigné la mort de l'autoritarisme arabo-musulman ; nous sommes donc entrés dans l'ère du post-autoritarisme, qui « enclenche un processus, sans qu'on puisse anticiper sur sa destination finale. » Serait-ce la fin de l'« exception islamique » autoritaire ? On peut en douter puisque cette exception cherche -- la djihadiste par exemple -- à s'unir à la modernité. Il faut donc combattre « en cessant de se surestimer par rapport aux religions rivales » ou en réunissant les conditions pour que la société arabe amène la démocratie. Or les expériences récentes montrent la difficulté de l'islam à respecter la démocratie (le vote du peuple), la séparation entre religieux et politique (la sécularisation) et les libertés pour tous (le libéralisme) ; en fait le post-autoritarisme accepte tous les islamismes : est-ce un remède ? (cf L'islam mondialisé d'Olivier Roy) H. R. en doute : « A peine un islamisme s'est-il assagi qu'un autre (plus violent) lui emboîte le pas ». C'est que le post-autoritarisme se découvre menacé par l'effondrement de l'Etat, du territoire même de l'Etat (comme en Turquie, en Somalie, en Irak, en Libye, au Yémen). Il crée du nouveau mais il n'est qu'une « certaine disposition d'esprit », une condition (Lyotard). Hélas il ne sait pas rompre avec la tradition, c'est-à-dire avec le principe d'autorité, dont il réinvente les attaches : « par-delà la « petite » tradition routinière des oulémas, l'islam d'après convoque la « grande » tradition de l'islam des origines» qui serait anti-autoritaire. C'est l'occasion d'une régression, donc d'une incertitude.

Il y a donc trois questions à examiner pour apprécier l'islam qui arrive : post-autoritarisme oui ou non, démocratie oui ou non, violence oui ou non ? Autrement dit : 1. Les révolutions arabes sont-elles vraiment post-autoritaires, mères de grandes réformes, ou seulement des transitions politiques, insurrectionnelles par le bas ? Pourquoi ont-elles toutes échoué sauf, peut-être, en Tunisie ? 2. L'Islam est-il dès l'origine anti-autoritaire et compatible avec la démocratie ? On voit naître trop de théo-démocraties et de néo-autoritarismes pour ne pas en douter. 3. L'islamisme peut-il échapper à la violence, peut-il s'apaiser, se développer autrement que dans le combat (le djihadisme radical si prospère en régime post-autoritaire !) ?

La révolution, un tournant

Que représentent les « révolutions arabes » ? Réponse de H. Redissi : de simples transitions politiques post-autoritaires. Leurs sources intellectuelles : la première, le droit islamique à la révolte : la sourate 11 : 113 demande de ne pas se ranger du côté des injustes, donc reconnaît un droit possible à la révolte, mais cela reste mal vu (cf. hadith sur l'obéissance due à tout imam, « pieux ou libertin ») – pourvu qu'il soit juste. Car le droit reste hanté par le spectre du désordre, de la discorde. Mais la véritable deuxième source, c'est la révolution française. De leur jonction naissent les révolutions arabes.

Révolutions qui tournent en rond, mutilées, confisquées, elles ont, dans le temps court au moins, échoué à instaurer la transition démocratique. Pourquoi ? C'est peut-être que les préconditions n'étaient pas remplies: prospérité, classes sociales porteuses, culture civique, élites capables de compromis n'étaient pas remplies. En Tunisie trois préconditions étaient là : une urbanisation forte, une démographie maîtrisée, une éducation gratuite et obligatoire ; mais la démocratie n'a pas marché dans les Etats rentiers (la Lybie, les Etats du Golfe, l'Arabie Saoudite). Mais l'exemplarité vient de loin : les élites civiles sont historiquement capables de compromis : du radicalisme à la modération : ainsi en 2013 même les islamistes, de guerre lasse, paraphent la Constitution œuvre de la « raison publique » ( elle évacue la charia, reconnaît la liberté de conscience). La Tunisie postcoloniale est l'héritage d'un homme de génie, Bourguiba qui émancipe la femme (planification des naissances) et sécularise la société !, supprime les tribunaux religieux, ferme les madrasas, rabaisse la Zitouna et ne garde que le Mufti « de la République » …). Alors que l'Algérie est sous la coupe des militaires, que la Libye a été la proie d'un mégalomane ; que l'Egypte est soumise à un Raïs, le Maroc à un roi…

Face à la démocratie

Le Coran et la doctrine du califat évoquent (2 fois seulement !) la choura (en en excluant d'ailleurs les femmes, les esclaves, les juifs et les chrétiens), alors que les chiites reconnaissent au contraire toute autorité à Ali et à ses descendants ; par ailleurs c'étaient les philosophes arabes médiévaux (Farabi, mort en 950, ou Averroès mort en 1198, qui assimilaient la démocratie à un gouvernement imparfait, confus et déréglé par la plèbe, et Avicenne même…) Cependant, heureusement, les modernes réhabilitent la volonté populaire (cf. Khaïr-Eddine, Namik Kemal, et Kawabiki le réformateur syrien fondateur du panarabisme) à partir de la sourate 3, 159 du Coran :« Consulte-les ! » ; mais il demeure que pour tous « la charia ne peut faire l'objet de délibérations ».

D'où la double tentation post-autoritaire : une théo-démocratie, ou bien une dictature élective. Première dérive : La théo-démocratie : la souveraineté à Dieu, avec magistère spirituel reconnu aux sages professionnels, surtout chez les chiites), magistère qui régit et limite, par l'intermédiaire de conseils religieux, le pouvoir politique abandonné au peuple. Deuxième dérive néo-autoritariste : elle s'installe quand les institutions favorisent les tenants du pouvoir régulièrement élus. Ainsi en est-il en Malaisie, en Indonésie et au Sénégal. Les Frères Musulmans entre 2012 et 2013 et la Turquie succombent aux deux tentations. A l'inverse, les islamistes tunisiens d'Ennahdha en 2012-13, devant l'action de 60 députés insoumis et de milliers de citoyens, acceptent enfin de discuter : la double dérive est évitée, au moins momentanément, mais la menace néo-autoritariste et islamiste continue !


L'islamisme à répétition
On a parlé de post-islamisme à propos de ce désir de liberté, qui s'extrait du radicalisme islamiste, moderne. Mais constat affligeant, dès qu'un islam se calme, surgit un autre qui surenchérit et occupe la « structure radicale absente ». Apparaît, par ex., le magma informe du salafisme, prêt au combat pour un Etat islamique absolu ; c'est que « toute tentative pour entamer le noyau incompressible de l'islam est voué à l'échec. » (p.101). Mais en même temps, on constate l'échec de l'islamisme à fonder un Etat théocratique mais également à s'apaiser. On en vient à Daech.
Mais pour H. R., ce pseudo-Etat déclasse le djihadisme : il fait dans la barbarie pure et simple. Il passe de la haine à une cruauté jouissive. Or tout en étant un produit de la modernité post -industrielle (comme Auschwitz, le Goulag ou Hiroshima…) est-il une dénaturation de la religion ou le prolongement de son ethos ? La lecture de leur revue bilingue, Dabiq, annonce une Apocalypse. Daech abandonne l'éthique classique du djihad à laquelle tenait tout de même l'islam radical. Ses membres sont « les plus barbares des barbares » pour Hamadi Redissi qui, paraphrasant Spinoza indigné par l'assassinat des frères de Witt en 1672, termine son ouvrage par ses propres mots : Ultimi Barbarorum, les Derniers des Barbares ; mais il ne conclut que sur cette note socio-émotive et reste donc sur le dilemme démocratie ou barbarie ?, sommet de son interrogation.


*Gilles Bernard Vachon : Professeur de lettres à l'international, fondateur de la Maison de la Poésie Rhône-Alpes, membre du Jury d'Uriage (session 2017).


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