Les joies du Ramadan et l'effervescence ne sont plus qu'un lointain souvenir dans un pays en proie à une crise sociale et économique sans précédent malgré les signaux de reprise ou d'embellie. Vendredi 18 mai, à l'aube de Ramadan, le temps est bon, la météo est douce et clémente en ce deuxième jour de jeûne. Les prémices d'amélioration du climat social sont bonnes car l'ambiance semble calme et apaisée. Un peu trop calme d'ailleurs. En entrant dans certaines administrations vers onze heures, rien à signaler d'anormal. Aucune querelle à l'ombre quand on connaît l'irritabilité qui s'empare des agents de guichets en pareille période, cela peut surprendre. Même les files d'attente sont courtes. La transparence est de mise du côté des boxes administratifs relevant de la municipalité de Tunis au centre commercial Le Palmarium. L'horaire s'affiche clairement découpé en trois décades pour un mois saint qui peut atteindre trente jours. Ainsi les signatures légalisées, les copies conformes et les fiches d'état civil se feront de 9h30 à 16h00 du premier au dixième jour de Ramadan. Durant les vingt derniers jours, une session nocturne s'ensuivra de neuf heures et demie du soir à minuit trente puis jusqu'à une heure du matin. Une mesure exceptionnelle gage d'un appréciable niveau sécuritaire. A l'extérieur, au niveau de la station de bus, l'on tombe sur une scène pratiquement surréaliste vers les coups de treize heures en fin de journée de travail. Le décor change vite... Une chamaillerie entre un agent de contrôle de bus de la Transtu et un usager colérique qui n'a pas épargné les insultes outrageantes ou blasphématoires. L'esprit de Ramadan ne survit pas aux bagarres et jacasseries chez les Tunisiens. Sous le regard ébahi des personnes qui attendent patiemment le bus sans broncher. Quid de la vie commerciale ? En défilant dans les rues et ruelles de Tunis, on remarque que les artères commerciales vivent un rythme différent. Une boutique sur deux est ouverte en effet. Certains prétendent générer tout de même des revenus non négligeables, d'autres pas pour un sou et baissent pavillon à leur grand désespoir. La palme est attribuée à la profusion de produits alimentaires qui s'invitent à toutes les tables durant Ramadan. Pour l'heure, en attendant l'Aïd, les dépenses sont davantage axées sur l'alimentation que sur l'habillement, du moins durant les quinze premiers jours . Au cours de la matinée, nous nous sommes rendus au siège de la Caisse nationale de sécurité sociale. La salle d'attente était quasiment vide avec un ou deux citoyens debout devant les guichets. L'un d'eux sortira promptement en bronchant dans un dernier soupir de dépit. Pourtant à l'intérieur, le système automatique de numérotation électronique est disponible, les agents de comptoir bien présents, mais il y a anguille sous roche car on connaît le malaise que traversent nos caisses sociales. Les assurés sociaux ne sont pas satisfaits des démarches administratives qui accusent une grande lenteur avec d'interminables reports dans la procédure ou des cas de refus pour des motifs incompréhensibles ou parfois frustrants. Conjugué à la cherté de la vie, l'inflation malgré les efforts gouvernementaux pour rationaliser les prix à la consommation, le citoyen tunisien perd parfois la boussole. Concerts de klaxons, métros à l'arrêt, administrations vides et étalages anarchiques, le décor ramadanesque est le même, inchangé au fil des ans.