Par Khaled TEBOURBI Le concept circule, à nouveau : «Musique arabe, nouvelle vague». Ce qui signifie quoi ? De prime abord, une chose simple : l'approche et la pratique de notre musique classique, notre musique modale, par nos nouvelles générations de musiciens. Cette approche et cette pratique sont connues. Elles consistent, en règle générale, en un métissage de gammes et/ou d'instruments, parfois même d'expressions et d'accents. Schématiquement encore, c'est comment nos jeunes mixent leurs «musiques propres», les musiques du Maghreb et d'orient, avec les musiques en vogue, dominantes, d'Occident. La passion du jazz existe depuis les années 30-40 en Tunisie. Elle a forgé des maîtres, et une tradition d'écoles, de solistes et de «band's» bel et bien ancrée désormais. Qu'est-ce, en plus, que les musiques dites «du monde», sinon la traduction d'un désir de «mixage», de «partage», qui traverse les mœurs musicales universelles, nos mœurs musicales, spécialement ? N'y sommes-nous pas, culturellement, historiquement, «disposés» ? Reste que, contrairement à la formule répandue, métissage, mixage ou partage ne s'entend pas forcément par «fusion». «Fusion» dit, en principe, que des genres (des musiques, des cultures) «abandonnent», comme, leurs spécificités en «se mêlant à un Tout».Or, s'agissant de musique arabe, ceci est exclu. Par définition !A sa source même, la «musique arabe» s'identifie au «ghinaa». Au chant, au seul chant. Et le «ghinaa», comme le chant des églises, comme le chant lyrique, a ses règles de base, ses «minima» esthétiques, à défaut desquels parler de musique perd tout sens. A l'époque classique d'El Mawssili et de Ziriab, tout partait de la voix : timbre, mesure, registre, couleur, etc. L'ère de la science vocale, dans l'absolu ! Mais jusqu'au siècle sonore, jusqu'aux grands compositeurs contemporains, Cheikh Sayyed, Kassobji, Soumbati, Abdelwahab, Farid, Rahabani, la musique arabe n'a jamais valu (ni prévalu) que par le chant et les règles du chant. On parle de «musique arabe, nouvelle vague» : méfiance ! Que veut-on dire en effet ? Que la nouvelle vague, nos jeunes générations de musiciens vont pouvoir «métisser», «mixer», «fusionner» notre musique classique, indépendamment des «minima» (de l'évaluation et de la qualité) de la voix ? Une ou deux récentes affiches (pôle musical de la Cité de la culture) viennent, quand même, de s'y hasarder : interprètes modestes, et sonorités de band's. Rien contre les groupes et les chanteurs de groupe, mais à chaque ambition ses moyens. On visait haut, là : innover, mériter de la grande musique arabe. Précisément interdit aux «petits gosiers» !