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« Un vrai dialogue économique et social efficient s'impose »
Lobna Jeribi, Constituante, Présidente d'ONG
Publié dans La Presse de Tunisie le 03 - 06 - 2018

Une feuille de route approuvée par seulement deux partis politiques est de nature à fragiliser le processus démocratique au moment où le pays connaît une crise institutionnelle et politique profonde, une crise de confiance gouvernés-gouvernants, et un état d'abattement, notamment des jeunes. Femme politique, constituante, Lobna Jeribi, présidente d'ONG, se livre ici à une analyse critique du paysage politique sclérosé et dominé par deux grands partis et regrette l'absence d'un vrai dialogue national.
Sept ans après la révolution, le pays passe toujours par des crises récurrentes à multiples facettes, quelles en sont les raisons et quelles sont les alternatives selon vous ?
La crise institutionnelle et politique actuelle illustre une distorsion de la Constitution. Je crois qu'on s'est éloignés du texte et de l'esprit de la Constitution. L'ARP a, pour ainsi dire, été dépouillée de ses pouvoirs et de ses prérogatives. L'ARP, censée adopter et proposer les lois, évaluer et contrôler le travail de l'exécutif, avance au ralenti en raison notamment du manque important des moyens dont elle dispose. En effet, les moyens, les ressources et l'administration parlementaire sont quasiment ceux du parlement du régime présidentialiste que nous vivions avant la révolution. D'une manière plus générale, nous avons gardé la même répartition des ressources budgétaires entre les trois pouvoirs : le parlement, l'exécutif et la présidence de la République. La gouvernance politique instaurée par la nouvelle Constitution n'a pas été réellement mise en œuvre ni sur le plan des moyens, ni sur le plan des institutions. A défaut d'une profonde réforme de l'Etat et de ses organes, on observe l'émergence, d'une manière conjoncturelle, d'institutions alternatives. Les documents de Carthage 1 et Carthage 2 en sont la manifestation.
Au niveau de l'exécutif, il y a lieu de revoir les structures ministérielles vers plus d'efficacité et de cohérence, et non un nombre pléthorique de portefeuilles, pour satisfaire les besoins partisans. En éclatant un portefeuille en plusieurs, on a des outputs incohérents et une lenteur, voire un statuquo, dans la mise en œuvre des réformes. Par exemple, nous avons grandement besoin d'un grand ministère de l'économie – notamment en cette période de crise- pour mettre en œuvre une politique socioéconomique consolidée.
Pour être dans le réalisme politique, nous avons besoin d'une majorité pour gouverner. Mathématiquement parlant, et au vu de la situation qui prévaut, la majorité actuelle est affaiblie. Cela va-t-il donner naissance à de nouvelles coalitions politiques au sein de l'ARP en appui au gouvernement ? C'est la première et grande question. La deuxième question est : quelle alternative en l'absence d'une coalition gouvernementale solide ? C'est là où existe un risque de dérapage institutionnel.
Au vu de la crise politique actuelle, je pense que les partis politiques gagneraient à mettre en place des coalitions voire à fédérer, pour faire face à l'échéance électorale de 2019. Par ailleurs, la feuille de route socio-économique et institutionnelle, Carthage 2, doit être à mon sens, soumise à un débat national avec une consultation efficiente (au vu du facteur temps) des acteurs politiques, économiques, syndicaux et de la société civile. Un vrai dialogue national socio-économique s'impose aujourd'hui pour pouvoir avancer dans le cadre d'un processus transparent participatif et fédérateur.
Aujourd'hui pour avancer, on n'a pas de choix que de trouver ce consensus sinon on serait amené à recourir à des élections législatives anticipées. Est-ce que vous croyez que des partis qui sont «presque» en guerre vont s'entendre de sitôt ? Et quelle est la soutenabilité des élections législatives anticipées qui seraient un risque pour la stabilité du pays.
On n'a effectivement pas le choix. Toutefois, il faut faire attention au principe du « consensus ». Autant ce principe a été porteur et vecteur de stabilité lors de la période constituante, autant il devient vecteur d'immobilisme lors de cette période de transition économique, nécessitant des réformes courageuses allant à l'encontre des lobbyes et des rentiers, qui font et feront tout pour bloquer.
Il y a tout d'abord la nécessité d'une majorité politique élargie pour soutenir l'exécutif. Il nous faut la stabilité et une solide coalition, celle-ci doit se former autour d'une vision et d'une feuille de route commune pour 2019. Il y a lieu de capitaliser sur les efforts qui ont été faits par les commissions au niveau du document de Carthage 2.
J'ai évoqué la question du dialogue national en raison de la gravité de la situation actuelle. Un pouvoir d'achat en grande érosion, une rentrée qui sera marquée par un bouillonnement, voire un tsunami social, des acteurs économiques en colère face à l'instabilité juridique / fiscale, des bailleurs de fonds devenus intransigeants, une future LF et un budget, au vu de la situation, qui seront loin d'apaiser ce climat de bouillonnement et d'insatisfaction.
Que pensez-vous d'un éventuel report des élections présidentielle et législatives au-delà de 2019.
Reporter c'est comme ce guerrier qui abandonne ses armes avant d'entamer le combat. Il faut tout d'abord se donner les moyens en vue de respecter cette échéance électorale. Malgré la crise vécue, il faut commencer par mettre en place les mécanismes pour pouvoir respecter les délais. Depuis 2011, nous vivons dans un mode de non-respect des délais. Il y a une certaine crédibilité de l'Etat qu'il faut préserver. Je déplore que certains délais constitutionnels n'aient pas été respectés. Je pense qu'il est temps de tout mettre en œuvre pour éviter ces pratiques.
Selon vous, quel est le meilleur profil du prochain gouvernement ?
Des ministres compétents, c'est important mais ce qui compte le plus c'est l'esprit d'équipe, le courage dans les décisions, l'efficacité dans l'exécution et la stabilité de la ceinture politique. Ceci étant, il y a une question majeure qui est posée aujourd'hui en débat public. Est-ce que les membres du gouvernement en exercice peuvent se présenter aux élections de 2019 ? Tout d'abord, si on était dans un pays profondément et historiquement démocratique avec des institutions et une culture démocratique, la question ne se poserait pas. Ce n'est malheureusement pas le cas. On voit parfois des dépassements majeurs et des confusions dans l'utilisation de l'appareil de l'Etat lors des campagnes électorales. Des dérapages graves qui ne permettent pas l'équité entre les candidats, sont de nature à biaiser tout le processus démocratique et porter préjudice à la transition; de plus, si on se réfère à gravité de la situation socio-économique et à la grande fragilité de la situation sécuritaire (malgré les avancées réalisées), il serait plus que judicieux d'avoir une équipe — restreinte — qui travaille avec acharnement et sérénité durant cette courte période afin de pouvoir assurer la prochaine échéance électorale dans de bonnes conditions, loin des tiraillements politiques.
Quels seraient sur le court terme les axes prioritaires sur lesquels le gouvernement doit agir aujourd'hui sans plus tarder ?
Le premier axe prioritaire est la relance de l'investissement. Il y a lieu de revoir aujourd'hui plusieurs mécanismes qui sont contre-productifs à la relance de l'investissement. Il faut notamment résoudre les problèmes endémiques des entreprises : problèmes de logistique, de transport, de transit, de réglementation de change ... problèmes qui sont de nature à entraver le bon fonctionnement des entreprises et qu'il faut régler en urgence. Débloquer les projets de développement prévus par le Plan à travers plusieurs mécanismes que nous avons déjà proposés, tels que la révision de la loi du PPP.
Le deuxième axe est l'assainissement des finances publiques, dans une logique de croissance durable, tout en mettant en place des mesures particulières pour les classes vulnérables et sans nuire à des pans de l'économie. A titre d'exemple, le secteur de la promotion immobilière a été bloqué par les récentes dispositions fiscales ; hélas ce secteur, générateur d'emplois, vient d'être freiné.
Instituer la bonne gouvernance, lutter contre la corruption et l'évasion fiscale est le troisième axe. Ceci permettra de générer des ressources budgétaires, notamment à travers le renforcement du recouvrement et du contrôle fiscal. La digitalisation qui tarde à être mise en œuvre représente l'infrastructure nécessaire pour barrer la route à la corruption et contribuera à intégrer le secteur informel.
Sur le plan socioéconomique, il faut aussi appuyer la décentralisation. Les conseils municipaux récemment élus doivent être bien préparés, accompagnés et formés aux nouvelles prérogatives orientées vers le développement local et la consolidation de l'investissement local.
Sur le plan institutionnel, il y a lieu aujourd'hui d'agir vite et de rattraper le retard. Il faut trouver urgemment des solutions à la crise l'Isie, à ce titre il y a lieu — d'une manière plus globale — d'améliorer le cadre légal des instances constitutionnelles afin qu'elles puissent agir d'une manière plus efficace. Nous avons des propositions concrètes dans ce sens. Enfin, l'urgence est de mettre en place:
La Cour constitutionnelle, dans sa forme initialement prévue par la constitution, devient plus qu'une urgence, face aux pratiques et glissements anticonstitutionnels que nous vivons. Fragiliser son indépendance nuira à nos acquis démocratiques.
L'Instance nationale pour la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption et accélérer les législations y afférentes. Ce cadre légal et institutionnel est le seul garant de la pérennité de ce long processus.
L'Instance de régulation de la communication audiovisuelle (instance constitutionnelle qui remplacera la Haica). Améliorer son cadre légal vers plus d'efficacité devient une urgence face au dérapage du paysage médiatique.
Le projet de loi de l'Instance du développement durable et des droits des générations futures qui pourrait être un garant de l'efficacité et de l'équité des choix économiques et sociaux y compris dans leurs dimensions environnementale et intergénérationnelle.
Vous avez évoqué que la profonde crise institutionnelle et politique économique et sociale que vit le pays interpelle la nécessité de la création d'une alternative politique. Mais quid de l'émergence des listes d'indépendantes lors des dernières élections municipales ?
Les récents résultats des élections municipales avec un taux élevé d'abstentions et une prédominance des indépendants parmi les élus traduisent l'échec de la classe politique actuelle. Mais il ne faut pas se leurrer. Les indépendants ne forment pas un groupe homogène qui va contribuer à l'émergence d'une nouvelle classe politique. Toutefois, le message est là. Nous avons besoin d'un renouvellement de la classe politique, d'une offre politique en phase avec les vrais problèmes quotidiens des Tunisiens.
A terme, une alternative politique doit se constituer autour d'un projet fédérateur, conforme aux vraies attentes des Tunisiens. On ne peut concevoir le futur de nos concitoyens en s'enfermant dans les salles de conférences. Il nous faut une approche « bottom-up », participative à travers des consultations régionales, susceptible de faire ressortir une vision et un projet élaborés par toutes les composantes de la société tunisienne dans toute sa diversité, en mettant les jeunes au cœur de cette démarche. Je crois plutôt à la synergie du groupe et au travail d'équipe. Le culte de la personnalité étant un des maux de l'actuelle classe politique, il est temps de passer à un nouveau mode de gouvernance plus inclusif et participatif.
La notion d'inclusion est aujourd'hui à revoir. Il faut que les régions se libèrent de l'emprise du pouvoir central. Pour cela, il faut donner les outils adéquats aux différentes régions pour qu'elles se prennent en main. Je rappelle que, outre l'appel aux droits et libertés, la révolution s'est faite pour deux causes économiques majeures : les inégalités régionales et le chômage des jeunes. Sept ans après la révolution, les disparités régionales persistent et le taux de chômage des jeunes est toujours élevé.


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