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A quand une transparence totale de la vie politique ? Déclaration des biens et des intérêts, lutte contre l'enrichissement illicite et conflit d'intérêtS dans le secteur public
Selon l'article 30 du projet de loi sur la déclaration des biens et des intérêts, de la lutte contre l'enrichissement illicite et le conflit d'intérêts dans le secteur public : «Est punie d'une année de prison ou d'une amende allant de 100 à 1.000 dinars toute personne qui divulgue sciemment le contenu des déclarations du patrimoine, entièrement ou partiellement» En France, si vous souhaitez connaître le nombre d'appartements que possède le Premier ministre, le solde de ses comptes en banque(s) au moment de sa prise de fonction ou même les mensualités des prêts qu'il a contractés, rien de plus simple, il n'est pas nécessaire d'être enquêteur ou journaliste d'investigation aux sources douteuses. Il suffit de se rendre sur le site web de la haute autorité pour la transparence de la vie publique (créée en 2013) et de taper "Edouard Philippe" dans la barre de recherche. Malgré le fait que la France ne soit pas le meilleur élève européen en la matière, les organisations nationales de la société civile qui travaillent dans le domaine de la lutte contre la corruption rêvent d'un modèle semblable. Ils y ont cru lors de la discussion au sein de la commission de législation générale du projet de loi sur la déclaration des biens et des intérêts, de la lutte contre l'enrichissement illicite et le conflit d'intérêts dans le secteur public. Un projet qui avait été déposé en 2017 par la présidence du gouvernement. Mécontentement des associations La commission a voté mercredi dernier son rapport final relatif au projet de loi en question sans prendre en considération les recommandations de trois organisations de la société civile, qui avaient été auditionnées. Il s'agit d'Al-Bawsala, I Watch et Barr Al Aman. Parmi les principales recommandations qu'avait formulées l'organisation Al-Bawsala, figure "la publication des déclarations des biens et des intérêts". Par intérêts, l'ONG désigne l'ensemble des relations que peut avoir un haut fonctionnaire public, avec des intérêts financiers d'entreprises ou autres organisations. Lors de son audition, Al-Bawsala a cité en exemple le Canada, la Belgique, la Nouvelle Zélande ou encore l'Australie. Des pays qui ont choisi la voie de la transparence à travers la publication des patrimoines et des intérêts des "officiers publics". "L'expérience, sur le plan international, a montré que les enquêtes les plus efficaces résultent de plaintes de citoyens, d'organisations non-gouvernementales ou de journalistes qui connaissent le statut réel d'un fonctionnaire public ou d'un membre du gouvernement corrompu. Mais la commission de législation générale a préféré ne pas emprunter la même voie. Pire, la commission a considéré que la divulgation de ce qu'elle considère comme "des données personnelles" était un délit, passible de prison. "La France ou d'autres pays qui ont choisi la publication représentent un cas extrême, explique la députée Hager Ben Cheikh Ahmed. Ces pays ont les moyens adéquats pour protéger la sécurité des gens, ce qui n'est pas le cas en Tunisie pour l'instant". Opposée à ce qu'elle craint être une chasse aux sorcières, la députée a demandé aux ONG de faire confiance aux institutions de l'Etat. Pour elle, le fait même de déposer une déclaration de patrimoine auprès de «l'instance de la bonne gouvernance et de la lutte contre la corruption» suffit à prévenir un éventuel enrichissement illicite. Un argument qui ne convainc pas ceux qui militent pour une transparence totale sur les informations relatives au patrimoine de nos élus et des hauts cadres de l'administration tunisienne. Aucune enquête depuis 30 ans "Sans publication, rien, absolument rien ne changera", affirme Mohamed Haddad, journaliste à l'association Barr El Amen. Son argument est que depuis 30 ans, et sur les 25.000 déclarations déposées à la Cour des Comptes, aucune n'a fait l'objet d'enquête. Mais cette fois, le projet de loi dans son article 15 donne la latitude nécessaire à l'Instance de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption (Instance constitutionnelle) pour enquêter, de manière systématique, sur la véracité des informations relatives au patrimoine et aux intérêts. Le journaliste s'indigne notamment de l'article 30 du projet qui dispose que: "Est punie d'une année de prison ou d'une amende allant de 100 à 1000 dinars, toute personne qui divulgue sciemment le contenu des déclarations du patrimoine, entièrement ou partiellement". La commission de législation générale a donc examiné les 51 articles du projet qui devrait être débattu et voté dans les prochaines semaines à l'hémicycle. Le thème de la transparence de la vie publique intéresse grandement les organisations de la société civile et ont été, pour l'occasion, invitées à prendre part au débat à l'intérieur de la commission. Il s'agit d'Al-Bawsala, Barr-Al Aman et I Watch. Ont été également entendus l'Instance nationale de lutte contre la corruption, la Cour des comptes, le Pôle judiciaire financier et le gouverneur de la Banque centrale en sa qualité de président de la Commission tunisienne d'analyses financières. Au-delà de la polémique, le projet rebaptisé "D'où provient ta fortune ?" (Min ayna laka hedha) a élargi la liste des responsables concernés par une obligation de déclaration du patrimoine. Il concerne les cadres de l'administration, les élus, mais également les associations, les directeurs des entreprises médiatiques, etc. Contrairement à la loi de 1987, le projet qui sera voté prévoit des sanctions contre ceux qui refusent de faire une déclaration du patrimoine. A noter que le projet oblige également les déclarants à indiquer leurs intérêts avec des entreprises ou avec tout groupe organisé. L'idée du projet est aussi de lutter contre les conflits d'intérêts. Avoir des intérêts avec des entreprises ou des "lobbyes" n'est en fait pas un crime en soi. Cependant, le nouveau projet de loi invite l'ensemble des hauts fonctionnaires à avancer démasqués (en tous cas devant de l'instance).