Les fournisseurs européens avaient averti la Pharmacie centrale de Tunisie depuis la fin de l'année dernière. Il n'y aura pas de produits à défaut de paiement. Aujourd'hui, et en raison du statu quo, ils sont tout simplement passés à l'action, ce qui explique en grande partie la pénurie de certains médicaments malgré les démentis du ministère de tutelle. Le CMR tenu ce lundi à cet effet est venu confirmer que la politique de la fuite en avant n'est plus permise. C'est tout le secteur de la santé qui se porte mal Plusieurs médicaments sont en rupture de stock en officines ou dans les hôpitaux. Les professionnels de la santé dénoncent une situation précaire. Pendant ce temps, le ministre de la Santé souffle le chaud et le froid. En mars dernier, il a déclaré que la Pharmacie centrale de Tunisie a failli être classée dans une liste noire par les fournisseurs européens. Un mois après, il tient un discours rassurant et dément la pénurie des médicaments, notamment pour les maladies chroniques. Sauf que la vérité est tout autre. Certains fournisseurs européens sont déjà passés à l'action. Ils exigent maintenant des paiements ou d'autres garanties pour libérer les envois. La difficulté financière persistant au niveau des caisses sociales a eu un impact direct sur la Cnam, ce qui explique la situation très difficile du secteur des médicaments. Le mal provient des prises en charge que la Cnam octroie à ses affiliés au niveau des policliniques de la Cnss au moment où les paiements ne sont pas honorés à temps. De plus, les hôpitaux commandent auprès de la Pharmacie centrale de Tunisie (PCT) mais les paiements font défaut puisque, encore une fois, la Cnam ne peut pas honorer ses engagements vu la situation des deux caisses sociales marquée par un manque criard de liquidités. Du coup, c'est la PCT qui se trouve en difficulté. C'est toujours l'effet domino vécu depuis ces dernières années et qui persistera tant que les réformes des caisses sociales se feront encore attendre. La PCT n'a pas de trésorerie suffisante pour honorer ses engagements avec les fournisseurs étrangers principalement. Actuellement, la pénurie touche essentiellement les produits importés. Les médicaments de la classe thérapeutique Héparines de bas poids moléculaire, les antiépileptiques et bien d'autres (gynécologie, diabète, oncologie et anesthésie) sont presque en rupture de stock, nous confie Aida Chekir, Dr en pharmacie et pharmacien officinal. Les fournisseurs avaient averti la PCT depuis la fin de l'année dernière. Il n'y aura pas de produits à défaut de paiement. Aujourd'hui, ils sont tout simplement passés à l'action et exigent soit des paiements soit d'autres formes de garantie comme condition pour libérer les envois. En conclusion, les plannings prévisionnels ne sont plus respectés, ajoute Mme Chekir. Ces produits sont livrés suivant une procédure de répartition permettant un partage à égalité de la quantité reçue. Le pharmacien officinal, qui se trouve au bout de la chaîne de distribution, ne peut avoir qu'une quantité toujours insuffisante par rapport à la demande. Mais quand le pharmacien achète directement de la PCT, la facture se paie cash et non à la fin du mois, comme c'est la règle qui régit les achats auprès des grossistes, ce qui pose de gros problèmes financiers pour les officines en raison du retard accusé au niveau du remboursement par la Cnam. Des retards qui peuvent aller jusqu'à trois mois en dépit des accords conclus entre les deux parties. Deux mois après le limogeage du Pdg de la PCT en avril dernier sur fond d'une vive polémique autour de la pénurie de médicaments, un CMR a été tenu ce lundi sous la présidence du chef du gouvernement et une série de mesures prises en vue de pallier les lacunes observées et redresser la situation de la PCT. Il est notamment question d'injecter de l'argent (500 MD) la Pharmacie centrale, c'est-à-dire payer les dettes de la PCT dues aux impayés de la Cnss et de la Cnrps et ce au moment où l'Etat même s'endette à son tour auprès des banques locales. Pourtant d'autres solutions plus efficaces existent, dont notamment le droit de substitution à accorder aux pharmaciens, qui les autorise à remplacer un princeps par son générique (qui est moins cher) d'autant plus que ce dernier est fabriqué localement. Selon Dr Chekir, une demande a été déjà faite par les professionnels du métier auprès des autorités de tutelle pour le droit de substitution mais c'est toujours le statu quo. Ceci pourrait contribuer au développement de la production locale, ce qui revient à appuyer nos industriels et réduire la facture en termes de paiement en devises.