En pleine zone industrielle de Megrine Riadh, a poussé une nouvelle espèce, un lieu artistique de recherche, de création et d'échange, auquel on a donné le nom de «Les Ateliers Coteaux». Vendredi dernier, cet espace a invité le public à partager avec le chercheur en esthétique et philosophie contemporaine Adnen Jdey une réflexion sur les images d'archives en Tunisie. Adnen Jdey a choisi de centrer sa recherche «Autour de quelques pratiques visuelles tunisiennes», celles, entre autres, de Malek Gnaoui,Nicène Kossentini, Hela Ammar, Nidhal Chemakh, Ismaël Louati, Belhassen Handous et Mohamed-Ali Berhouma. Après une exploration de(s) définition(s) mêmes d'archives et d'images d'archives, et ce qui différencie le travail de l'historien de celui de l'artiste en faisant parler ce support, Adnen Jdey s'est proposé de répondre à ces questions : «Que penser des (images d') archives dans les pratiques actuelles de vidéastes et plasticiens tunisiens ? A quel(s) usage(s) se prêtent-elles ? Sous quelles conditions des éléments d'archives visuelles ou sonores deviennent des images ? D'où tirent-elles leur force de proposition ? D'une valeur d'usage (réemploi, et les limites de ce geste) ? D'une valeur d'exposition (rareté des documents, la part de subjectivité dans le geste d'exposer des archives familiales) ? Qu'impliquent ces mises au présent ? Comment s'y jouent les possibilités de télescopage ou de disjonction entre le documentaire et la fiction?». Tout un programme et une lecture intéressante qui ont tenu les présents en haleine pendant cette soirée. Sous la loupe de nos vidéastes et plasticiens tunisiens, les archives révèlent des points de vue et des problématiques variés, exprimés autant à travers la technique qu'à travers le support. Loin d'être un héritage rigide, celui-ci prouve qu'il est un vrai challenge pour les artistes. Son exploration peut être semée de pièges ou d'embûches, par exemple, de la redondance, qui lui fait perdre son sens par une répétition sans réelle valeur artistique ajoutée. L'exercice d'un travail sur les archives est d'autant plus aventureux que le contexte tunisien ne présente pas de trauma collectif comme celui vécu par d'autres pays arabes, tel le Liban. Chose qui rend peut-être plus intéressants les travaux sur des éléments particuliers de notre mémoire nationale, comme le travail entrepris par Malek Gnaoui sur la prison 9-Avril, ou sur les archives personnelles et familiales, dont Ismaël ressort des autoportraits de son enfance, Nicène Kossentini superpose la terre et les visages de ses origines, et Belhassen Handous opère un recadrage de ses photos de famille pour mettre en avant le lieu, les murs et le sol d'une maison disparue dans un quartier à La Goulette que les Trabelsi ont fait raser avant le 14 janvier 2011. Une date qui a changé le rapport à l'histoire, aux archives et aux pratiques artistiques qui s'y intéressent, comme l'a fait remarquer Adnen Jdey. «Les Ateliers Coteaux» A l'occasion des rencontres comme celle organisée vendredi dernier, «Les Ateliers Coteaux» s'ouvrent au public. Le reste du temps, c'est un lieu où les artistes peuvent trouver refuge pour donner vie à leurs projets. Il y a deux mois, ce lieu est né sous la forme d'une association sur un espace contenant 5 ateliers, d'à peu près 150 m2 chacun. En tout, 600 m2 sont à la disposition des créateurs tunisiens et internationaux. 4 ateliers sont réservés aux premiers, qui peuvent y résider de 6 mois jusqu'à deux ans, et un atelier pour des «artistes visiteurs» qui peuvent y réaliser des projets de quelques semaines et les présenter au public. Dans l'esprit d'un collectif, les membres de cette association viennent d'horizons artistiques divers. Ils sont artistes, curateurs ou encore galeristes. Son bureau se compose de Selma Feriani, Amel Ben Attia, Malek Gnaoui et Fatma Cheffi. L'association finance ses activités grâce à des mécènes et des amis qui croient en sa mission. Ses activités sont, entre autres, relayées par la radio R22 du Centre d'art français Kiasma, avec lequel «Les Ateliers Coteaux» sont en jumelage.