La bataille du prix du lait entre le gouvernement et les représentants des diverses chambres syndicales de la filière laitière continue par ricochet. Au bout du rouleau, les agriculteurs et les industriels menacent de suspendre la production laitière. Les producteurs de lait avertissent qu'ils pourraient commercialiser uniquement le lait non subventionné durant la période du 9 au 15 juillet avec la suspension de la production laitière pendant 3 jours à partir du 16 juillet Alors que le ministre du Commerce, Omar Behi, a nié, dimanche dernier, dans une déclaration au journal le « Maghreb », une augmentation attendue du prix du lait à la consommation durant la prochaine période, les agriculteurs et les professionnels du secteur de la production laitière haussent le ton et menacent d'escalade. En effet, hier, lors d'une conférence de presse qui a réuni le patronat et l'Union des agriculteurs, les divers acteurs de la filière laitière ont lancé unanimement un cri d'alarme, alertant sur une véritable détérioration du secteur, qui pourrait menacer à long terme l'autosuffisance du marché tunisien en lait. Menaces de suspension de la production de lait Le président de la Chambre syndicale des filières animales au sein de l'Utap, Mnaouer Sghairi, a accusé le gouvernement d'être responsable de la dégringolade de la filière laitière dont les acteurs ne cessent d'endosser les pertes. Il a également pointé du doigt la responsabilité du gouvernement dans l'amplification du phénomène de la spéculation des distributeurs de lait sur le marché, malgré le ravitaillement régulier du marché en lait de consommation. Mnaouer Sghairi a fait savoir que le gouvernement n'a pas respecté l'accord qu'il vient de conclure au mois de juin dernier avec les diverses parties prenantes de la filière et qui inclut une majoration tarifaire du lait au niveau de chaque maillon de la chaîne de production. Au nom de tous les acteurs de la filière laitière, Mnaouer Sghairi a déclaré qu'au cas où le gouvernement ne respecterait pas l'accord conclu, les producteurs de lait menaceront de commercialiser uniquement le lait non subventionné, durant la période du 9 au 15 juillet, avec la suspension de la production laitière pendant 3 jours à partir du 16 juillet. Toutefois, et afin d'apaiser l'inquiétude des citoyens, le président de la chambre syndicale des filières animales a expliqué que l'augmentation du prix du lait revendiquée par les producteurs est une mesure nécessaire et incontournable pour garantir la pérennité de la filière et continuer à assurer l'autosuffisance du marché local en lait. Coût d'élevage très élevé et cheptel réduit Par ailleurs, les intervenants ont déploré les majorations tarifaires successives apportées à l'alimentation animale bovine, sans pour autant être accompagnées d'une régulation du prix du lait de consommation depuis janvier 2015. Pour les éleveurs, ce sont eux qui endossent les pertes à cause de la cherté de l'alimentation bovine en pâturage. Quant aux industriels, ils déplorent une continuelle dévaluation du dinar qui ne cesse de réduire les marges commerciales. De son côté, le représentant de l'Utap, Yahia Massoûd, a appelé le gouvernement à tenir ses promesses et à appliquer les augmentations incluses dans l'accord conclu avec les acteurs de la filière du lait. En évoquant une grogne intense des agriculteurs, le représentant de l'Utap a précisé que l'augmentation du prix du lait de consommation prévue dans l'accord est le résultat de plusieurs négociations avec le gouvernement qui ont duré plus de 7 mois. Il a fait savoir qu'elle s'inscrit dans le cadre de la régulation du prix du lait par rapport à la hausse du coût de l'élevage, notamment de l'alimentation bovine et de la production. A cet égard, les éleveurs ont mis en garde contre une baisse vertigineuse du cheptel bovin tunisien à cause du renoncement des agriculteurs à l'élevage des vaches laitières et à leur bradage. Ainsi, les acteurs de la production laitière ont souligné la nécessité de remettre sur pied une filière qui date d'une trentaine d'années et qui a assuré l'autosuffisance du marché tunisien en lait pendant deux décennies avec des prix parmi les plus bas au monde. Appel à une révision du modèle de gouvernance de la filière Dans une déclaration à La Presse, le président de la Chambre syndicale des filières animales au sein de l'Utap, Mnaouer Sghairi, a affirmé que l'alimentation animale, notamment bovine, souffre d'un problème structurel. En effet, la Tunisie importe 30% de ses besoins pour pallier l'insuffisance en matière d'alimentation animale. Cette insuffisance est principalement due aux conditions climatiques et à la sécheresse. Il a, par ailleurs, indiqué que la Chambre syndicale des filières animales entamera, en janvier 2020, des négociations avec le gouvernement pour la mise en place d'une stratégie qui réformera le modèle de gouvernance de la filière. M.S.