Après des mois de travail, l'Institut National de la Consommation vient de publier les résultats des premiers essais comparatifs en Tunisie et dans le monde arabe. Ce premier essai a concerné le lait, un produit de grande consommation en Tunisie, puisque nous consommons plus de 112 litres par personne en moyenne par an. Cet essai représente un évènement important dans le paysage consumériste tunisien et un bon outil pour l'information des consommateurs et l'amélioration de la compétitivité entre les entreprises.
Un essai comparatif est une opération scientifique qui consiste à comparer les marques se trouvant sur le marché d'un produit, et ayant la même utilisation. En effet, sur la base de critères d'usage et d'utilisation, le centre d'essai établit les critères de classification des marques ainsi que les pondérations, réalise les essais et tests, et établit un classement. Selon le site de l'Institut national de la Consommation, cette mission s'intègre pleinement dans la création de l'institut (10 Novembre 2008). Pour cet essai sur le lait, l'INC a établi des critères concernant : L'appréciation sensorielle : 30% L'emballage et l'étiquetage : 10%, Les analyses physico-chimiques : 60% Loin du classement que vous trouverez dans le tableau joint, la réalisation de cet essai et le courage de publier les résultats avec les noms de marque sont un exploit, et préparent le terrain à de nouvelles habitudes dans la consommation en Tunisie. Source : site www.inc.nat.tn Selon le tableau, les résultats entre les différentes marques se rapprochent énormément, et témoignent d'une standardisation de la qualité du lait en Tunisie. Il faut aussi rappeler que le lait représente une matière première qui ne subit pas une grande transformation technologique au niveau des usines. Cette donnée fait que pour la même marque ,on trouve deux qualités différentes, et deux classements différents, vu qu'ils sont produits dans deux régions différentes. C'est le cas pour la marque délice, qui a été classée 3ème, pour le produit issu de l'unité de Soliman, et elle est 9ème pour les produits de l'unité de Boussalem. L'autre élément important à signaler concernant cet essai, c'est que le classement ne doit pas être généralisé tout le temps, c'est à dire que ces analyses ont été faites pour un lot déterminé et dans une période donnée. Refaire les mêmes analyses actuellement peut donner un autre classement, et de nouvelles données. Au-delà de l'essai comparatif, la filière est souffrante Loin des résultats, cet essai relève les problèmes liés à toute une filière qui souffre depuis des années, bien qu'elle réalise notre autosuffisance en lait. La filière du lait est très importante dans l'économie nationale et représente 25% de la production animale, 11% de la production agricole, et 8.5% de l'industrie agroalimentaire. Le plus grand danger pour cette filière est la baisse progressive du cheptel, qui est passé de 485 mille en 2002 à moins de 426 milles en 2012. L'autre problème, c'est la taille réduite de la propriété des éleveurs. 70% des éleveurs ont moins de 3 vaches, 93% ont moins de 10 vaches, et 73% ont des terres avec moins de 10 hectares. Cette situation diminue nettement les possibilités d'investissement de modernisation du secteur. Le rendement d'une vache en Tunisie (race locale) ne dépasse pas 600 litres par an contre une moyenne de 10 milles litres pour des races en Europe. La production du lait en Tunisie est très importante, et nous permet d'être autosuffisants, malgré quelques problèmes lors des périodes de grande consommation (ramadan), ou en période de basse lactation. Le gouvernement a eu recours à l'importation pour assurer l'approvisionnement durant certaines périodes. La production atteint 1124 millions de litres par an, avec une moyenne de consommation journalière de 1.3 million de litres par jour. Les problèmes de la filière laitière en Tunisie sont énormes. En effet, les coûts de production augmentent de plus en plus, et surtout au niveau de l'élevage. La qualité du lait, si elle est satisfaisante et répond au critère de conformité, n'atteint pas la qualité nécessaire, vu que l'alimentation des vaches laisse à désirer. Avec le coût élevé des farines, et le manque de moyens, les éleveurs ont tendance à faire bouffer leurs vaches n'importe quoi, ce qui affecte la qualité. Les conditions de transport et de collecte du lait sont aussi dans un état dérisoire, puisque la majorité des éleveurs n'ont pas de chambre de froid, et transportent le lait dans des bidons, vers les centres de collecte, ou attendent toute une journée pour voir l'arrivée des agents du centre de collecte. Le manque de transparence dans le secteur est l'un des problèmes majeurs de cette filière. La traçabilité des produits n'est pas fiable, et on ne sait pas l'origine du lait collecté, pour intervenir lors de problèmes de santé. Des professionnels sur la sellette Les professionnels qui souffrent le martyre depuis des années, exigent de nouvelles augmentations dans les prix de vente public, vu la hausse des coûts de production, et les prix d'achat auprès des éleveurs. Ces professionnels sont aussi obligés d'accepter le lait, quel que soit sa qualité en période de basse lactation et refuser des quantités énormes, pour des raisons de qualité en période de hausse lactation, comme c'est le cas durant cette période. Ils ont aussi demandé l'ouverture de quotas pour l'exportation. C'est chose faite avec l'autorisation d'exporter 10 millions de litre données par le ministère du commerce, mais seulement 150 milles litres ont été exportés seulement, vu qu'il n'existe pas de contrats continus d'approvisionnement. En tout cas les marchés libyens et algériens sont demandeurs. Le plus urgent à notre sens, et pour éviter les dérapages des agriculteurs et des industriels, c'est d'instaurer la grille pour le paiement du lait à la qualité. Il est nécessaire de libérer le secteur afin d'introduire plus de concurrence, et varier le choix pour le consommateur. A niveau de la normalisation, il est primordial d'élaborer les critères pour le lait « TUNISIEN », pour ensuite contrôler la qualité des produits commercialisés sur les marchés. Les professionnels sont appelés à prendre les résultats de cet essai au sérieux pour améliorer leur qualité, et réformer la filière en coopération avec les agriculteurs et les structures publiques (ministère de l'Agriculture, ministère du ommerce).