Grâce à ce gros minet d'Umtiti, les Tricolores passent en finale pour la troisième fois de leur histoire. L'histoire est décidément un éternel recommencement. Juin 98, Aimet Jacquet était la risée des tabloïds sportifs français. Rupture entre une équipe de France dans sa bulle et des médias qui prenaient un malin plaisir à stigmatiser un groupe privé de David Ginola et Eric Cantona. Rancunier par la suite, Jacquet ne pardonnera jamais ! Les détracteurs actuels des Tricolores doivent forcément s'en souvenir. Difficile maintenant de ne plus croire en ce onze-là. Le fabuleux destin de l'équipe de France s'écrit match par match. A la sortie d'un premier tour laborieux, les bookmakers avaient rarement misé sur les joueurs français. Mais ces derniers n'ont pas manqué de tordre le cou aux éternels pessimistes. Place maintenant à leur histoire, celle qu'ils se sont fabriquée au fil des étapes, de l'Australie à la Belgique, que les Bleus ont attrapé au vol, à Saint-Pétersbourg. Cette fois encore, ça s'est joué à quelques centimètres, une seconde d'attention prise à l'adversaire : un corner en sortie de mi-temps, Umtiti qui grimpe au-dessus de tout le monde et passe devant Fellaini avant de tromper Courtois ! C'est net et sans bavure! Certes, tout n'aura pas été maîtrisé, mais au fond, qu'est-ce qu'on retiendra ? L'essentiel: le passage en finale. La France y est. Elle tient désormais sa troisième apothéose en vingt ans. Cependant, il s'agit de ne pas se disperser car rien n'est encore joué. Le traumatisme de l'Euro 2016 est encore vivace dans les esprits. La France, hôte de cette joute-là, avait vendu la peau de l'ours avant de l'avoir tué. Plus qu'une déchirure du passé proche, ce fut une leçon d'humilité. Oui, l'essence même du haut niveau repose sur ce moment brutal dont le rôle est précisément de séparer les destins en deux issues diamétralement opposées. Le tout ou rien dessiné par les 22 acteurs avant d'en découdre! Sur ce point de bascule, c'est d'abord un maître de cérémonie qui s'est présenté sur le bord de la scène. Son nom : Roberto Martínez, «maître diable» en costume et roi de la « combine » tactique, venu retourner le cerveau de Deschamps avant les trois coups. Et même si la France a trouvé la clé des champs, le technicien des Diables Rouges a toutefois tenté un subterfuge en décidant de conserver sa défense à trois et de renforcer son milieu avec Moussa Dembélé. Ce qui a donné une Belgique accrocheuse d'entrée face à un bloc français à réaction. D'ailleurs, dès le début des hostilités, Hazard n'a pas manqué de malmener Pavard, même si de l'autre côté, Mbappé a lui aussi donné du fil à retordre à la citadelle belge. Scénario improbable ou lecture graduelle du jeu? Toujours est-il que la défense tricolore a tangué face aux coups de boutoir de ces Diablotins de Belges. Occasions à saisir ! Pour les acteurs du jeu, jusqu'ici tout va bien. Le match est certes lancé mais seul un devin aurait pu prévoir le déroulé d'un choc entre deux insatiables gros bras. Si dans la foulée, le réveil des Français est intervenu, la Belgique, à son tour, a gardé toute sa lucidité. Paul Pogba prend les commandes et cherche Griezmann dans la verticalité. Sur le contre, c'est le moment choisi par Lukaku, esseulé au bout du 3-6-1 belge, pour sortir de sa boîte, en vain toutefois. Trop juste, trop surpris: 0-0 à la mi-temps pour une demi-finale jouée sur une corde ! Tout ça pour ça, mais tout ça ne tient à rien ! A une tête de Lukaku qui s'échappe du cadre à la reprise. A un enchaînement de Giroud devant Kompany dans la foulée. Le but chauffe et le futur, c'est maintenant ! Avant l'heure de jeu, les Bleus grattent un corner. Griezmann au service, Umtiti qui casse les plats de la tête, et voilà la bande à Deschamps aux commandes ! Et c'est le moment choisi par Martínez pour revisiter ses cartes. Il décide de sortir son pion Dembélé pour abattre la carte Mertens. C'est forcément un as de pique qu'il avait dans sa manche! Le joueur du Napoli prend la table et la retourne à plusieurs reprises. Lloris décolle pour sauver la patrie et Fellaini glisse une tête à côté ! C'est un retour dans le labyrinthe du haut niveau. La France, quant à elle, est assiégée sans pour autant capituler ! La Belgique pousse. Le match prend la tournure d'une jungle psychologique où Kevin De Bruyne ajuste par deux fois un Lloris aux aguets ! C'est le football sur le fil du rasoir, ce à quoi les Belges ont habitué leurs fans tout le long de ce tournoi planétaire. Sauf que les Diables Rouges n'ont pas affaire à du menu fretin. En face, la France a du répondant ! Corentin Tolisso et Griezmann, auteurs des deux derniers frissons de la nuit, auraient pu débrancher les connexions restantes bien avant le coup de sifflet final de l'arbitre. Et au bout d'un décompte interminable de six minutes de temps additionnel, voilà les Bleus au pied de leur rêve étoilé : dimanche, ils ont rendez-vous avec l'histoire. L'équipe de France file en finale, en étant restée droite, forte et fidèle à ses convictions.