Qu'est-ce qui a pu intéresser un peintre néoréaliste new yorkais à la cause palestinienne ? Qu'est-ce qui a fait que Julian Schnabel, dont les œuvres sont visibles dans les plus grands musées d'art contemporain du monde, et à qui l'on doit quelques œuvres cinématographiques comme Le scaphandre et le papillon, Avant la nuit et Basquiat, s'engage à faire un film pour raconter l'histoire d'une enfant palestinienne placée dans un orphelinat après le décès tragique de sa mère? Nous avons essayé de chercher des réponses dans le film et de suivre la démarche du réalisateur et sa vision des choses et, surtout, de la question palestinienne. D'abord, la rencontre avec Rula Jebrael et avec son livre, portant le même titre Miral, y est pour quelque chose. Ce livre, tiré de faits réels, évoque le conflit du Proche-Orient sous un angle «très humaniste» et évoque toute l'histoire de la région depuis la création de l'Etat d'Israël jusqu'aux accords d'Oslo, à travers l'histoire personnelle et intime de la petite Miral. Le point de vue de cette histoire a dû certainement intriguer et intéresser Julian Schnabel, qui déclare qu'il ignorait tout de la question palestinienne jusqu'à sa rencontre avec Rula Jebrael et l'histoire de Miral. D'un autre côté, raconter l'histoire d'une région à travers le parcours d'une prof, Hind El Houseini, qui a fait de la maison de ses parents un orphelinat et une école, croyant dur comme fer à l'idée que l'éducation est la seule voie de salut et la seule manière de construire une société. Dans ce film, Julian Schnabel s'approprie l'histoire de Miral et la découpe, pour en faire une fiction attachante et émouvante. La vie et le parcours de Miral ne commencent pas à sa naissance mais bien avant. Miral est la synthèse de plus d'une femme, de plus d'une détresse et de plus d'un combat. Elle est la fusion entre Fatma la militante, Nadia la désabusée et Hind la prof déterminée. Et Schnabel use de son savoir-faire pour nous dévoiler cette histoire complexe en évoquant ces personnages sous forme de chapitre. A chaque fois, on découvre l'histoire de chacune de ces femmes pour arriver à celle de Miral, tiraillée entre l'appel de l'Intifadha et les préceptes pacifistes de sa prof. Quant au discours politique du film, le réalisateur ne se mouille pas trop : il ne procède pas à une analyse de la situation et ne s'immisce pas dans le conflit, il relate les faits tout simplement et reste dans la posture du spectateur curieux qui a envie de comprendre sans jouer le rôle de donneur de leçon, bien que le parti pris pour la thèse simpliste de la paix et de la cohabitation se laisse sentir dans certaines séquences. Miral, de Julian Schnabel, est l'histoire d'une femme qui trouve sa voie à travers les événements tumultueux d'une région qui vit dans la déchirure et l'instabilité ; c'est l'histoire de tous ces gens à la recherche d'un équilibre pas toujours évident. Schnabel, avec son regard d'occidental, a essayé d'être le plus juste possible mais, à force de vouloir rester impartial sur la question, a sacrifié son point de vue et s'est contenté d'épouser le point de vue de son personnage. Un film touchant et émouvant, certes, mais qu'on risque d'oublier vite.