Par Khalifa CHATER L'Afghanistan, une difficile sortie de guerre : la guerre continue à faire rage en Afghanistan, avec ses morts quotidiens, sans perspective de victoire pour les protagonistes. Lassitude générale, critique des opinions publiques, tragédies quotidiennes, dérives de la pacification, les acteurs sont à la recherche d'alternatives, entre la guerre et la paix. Les Américains et les Canadiens ont annoncé qu'ils soutenaient les tentatives de réconciliation du Président Hamid Karzai avec les insurgés. Les négociations ont bel et bien commencé, puisque des responsables militaires de l'Otan ont récemment avoué qu'ils avaient offert le libre passage à des chefs talibans, leur permettant de s'asseoir et de négocier avec des représentants du gouvernement national. Des forces de l'Otan ont délivré les sauf-conduits nécessaires au franchissement des lignes à des figures de la guérilla islamiste pour se rendre à Kaboul. Ils les ont même acheminés, en camions et sous escorte, voire en avion militaire (Le Herald Tribune, 21 octobre 2010). Les Américains souhaitent commencer à se retirer d'Afghanistan, en juillet prochain. Quels seraient les termes de l'accord ? Révélant les prédispositions de l'Otan, le Premier ministre canadien Stephen Harper a précisé ces conditions : les talibans devraient respecter la constitution afghane et déposer les armes (la presse canadienne, 22 octobre). Or, nous savons que les négociations effectives, dans les guerres asymétriques, dépasseront tous les préalables, pour obtenir l'accord des partenaires. Abandonnant les objectifs annoncés, les Etats-Unis souhaitent pouvoir partir “sans laisser derrière eux un total chaos permettant la reconstitution d'un bunker d'Al-Qaida, semblable à celui qui avait permis les attentats du 11 septembre” (Bernard Guetta, Géopolitique, France inter, 22 octobre). Fait significatif, la scène afghane réussit à concilier les différents acteurs. En dépit de ses relations privilégiées avec les USA, le gouvernement afghan tire profit des rapports de voisinage avec l'Iran, qui lui accorde d'importantes subventions. Le fait vient d'être dévoilé par le New York Times (24 octobre) et confirmé le lendemain, par le Président Karzai, lui-même. La participation, pour la première fois, de l'Iran, à la réunion de Rome (18 octobre), pour débattre des perspectives de stabilisation dans ce pays, montre qu'on est en quête d'une solution régionale, mise au point par tous les acteurs, sans exclusions. Les Etats-Unis ont, d'ailleurs, reconnu que l'Iran a un rôle à jouer dans la résolution du conflit afghan. Dans ce jeu dans les arrière-cours, le Pakistan a ses exigences, puisqu'il considère que l'Afghanistan est son arrière cour, sa “profondeur stratégique”. Quelles sont les cartes qu'il souhaiterait privilégier pour reconstruire les nouvelles alliances avec les acteurs qui émergeraient de la nouvelle donne ? Dans ces conditions, la diplomatie est un théâtre de l'ombre, d'affrontements, de négociations, de concessions et de résignation, comme toutes les arènes politiques. Des "secrets" de la guerre d'Irak ? : Le site web américain WikiLeaks, a diffusé 400.000 documents confidentiels, pour rétablir “la vérité” sur la guerre en Irak (déclaration de Julian Assange, fondateur du site, 2 octobre 2010). Selon ces documents, au moins 109.000 personnes, dont 63% de civils, ont été tuées en Irak depuis l'invasion américaine de mars 2003 et jusqu'à fin 2009. Sur les 66.000 morts civils, 15.000 cas n'avaient jamais été révélés. Le site révèle également de nombreux cas de torture qui auraient été commis par les Irakiens et couverts par l'armée américaine. Ces révélations mettent, par ailleurs, en évidence “de nombreux cas de crimes de guerre qui semblent manifestes de la part des forces américaines, comme le meurtre délibéré de personnes qui tentaient de se rendre”. De telles révélations n'ont pas surpris les Irakiens, qui ont vécu ces tragédies et pris leurs distances par rapport aux discours de justification de l'intervention et de légitimation de “la pacification” meurtrière. La conduite de la guerre s'est évidemment accompagnée par un processus de désinformation et d'information. La guerre des armes est, en général, précédée et suivie par une guerre des mots. Autre triste réalité, Il n'y a pas de guerre propre, sans attentats aux droits de l'Homme, et au Droit à la sécurité et à la vie. La guerre contre l'Irak illustre cette évidence, en occultant ses facteurs économiques et géostratégiques. Mais le timing des “révélations”, embarrassantes pour son maître d'œuvre le Président Bush et ses alliés sur le terrain, suscite des interrogations. Ont-elles l'objectif de provoquer des repositionnements, des rééquilibrages, des corrections d'orientation, alors que le paysage politique irakien semble marqué par des velléités de reconstruction de l'entente intérieure et de concorde avec les pays voisins, y compris la Syrie et l'Iran ? La diplomatie s'exerce rarement “cartes sur table”. Mais la réalité sur le terrain s'accommode des paradoxes des alliances.