Il est parfois des dilemmes où chacune des issues est pire que l'autre. Ainsi en est-il de l'Afghanistan à plus ou moins moyen terme. Les dernières nouvelles n'y sont guère rassurantes. Les forces américaines et les contingents de l'Isaf, la Force internationale d'assistance à la sécurité, sous commandement de l'Otan, n'en finissent pas d'y perdre des soldats. Par ailleurs, la prise en charge de la sécurité par les forces nationales afghanes pourrait s'y effectuer dans certaines régions plus tard que la date avancée de fin 2014. C'est le Britannique Mark Sedwill, représentant civil de l'Otan en Afghanistan, qui l'affirme. Une nouvelle qui tombe au mauvais moment en somme. Le sommet de l'Alliance atlantique, qui a lieu aujourd'hui et demain à Lisbonne, devrait se pencher sur le retrait progressif d'Afghanistan des soldats américains et des contingents de l'Isaf. On sait que le Président afghan proaméricain Hamid Karzaï s'était fixé la fin 2014 comme date limite. A cette échéance, les forces afghanes devraient prendre le relais des soldats étrangers. Et ce serait comme qui dirait le bout du tunnel. Les hauts responsables américains, Robert Gates, secrétaire à la Défense et Hillary Clinton, secrétaire d'Etat, y souscrivent volontiers. Mais de nombreux spécialistes et observateurs battent leur intime conviction en brèche. Mark Sedwill porte en fait deux casquettes. Représentant civil de l'Otan en Afghanistan, il était également ambassadeur du Royaume-Uni à Kaboul. A l'en croire, la transition pourrait aller "jusqu'à 2015 et au-delà" dans certaines régions. Il s'est d'ailleurs exprimé diplomatiquement il y a quelques jours devant un parterre de journalistes dans la capitale afghane : "Parler de fin 2014, cela ne signifie pas que la mission s'arrête à cette date mais qu'elle change. C'est le point d'inflexion, si vous voulez". Cela veut dire que la guerre d'Afghanistan se poursuivra même au-delà de 2015. Pour le Président américain Barack Obama, il n'y a guère de quoi se réjouir. L'Afghanistan risque bien de lui en coûter comme l'Irak en a coûté à son prédécesseur, George W. Bush. Déjà, lors des élections de mi-mandat (de son premier mandat), l'Administration Obama y a laissé des plumes, en raison notamment de la guerre d'Afghanistan. Même en cas de réélection d'Obama, l'Afghanistan n'en finira pas de peser comme une épée de Damoclès au-dessus de la tête de l'establishment US. D'ailleurs, plus de cent-cinquante mille soldats américains et de l'Otan n'ont pas réussi à mâter l'insurrection talibane en près de dix ans de combats. Et on ne voit guère comment ils pourraient s'y exercer avec brio en moins de trois ans. Il ne faut guère se gaver d'illusions. Les talibans sont indéboulonnables en Afghanistan. Y être un taliban donnant du fil à retordre à l'envahisseur relève de l'état de nature. Tout comme l'Afghanistan officie depuis des siècles comme véritable tombeau des empires. Les talibans ne sont pas prêts d'être vaincus, du moins à l'issue de l'actuel conflit où ils ont très vite pris les rênes du cours des choses. D'ailleurs, en début de semaine, le leader des talibans afghans, le mollah Omar, a fermement démenti toutes discussions de paix avec le gouvernement afghan. Il a qualifié de "fausses rumeurs" les informations officielles qui ont évoqué ces derniers mois un début de dialogue entre le régime de Karzai et les rebelles. Fait révélateur, le mollah Omar s'est exprimé via un communiqué envoyé par courriel à la veille de la célébration de l'Aïd El-Idha. On comprend dès lors l'étendue de la consternation, voire de l'affliction dans les rangs des états-majors interalliés au sommet de l'Otan. Le casse-tête afghan devient à proprement parler légendaire. Un véritable manuel—vivant, meurtrier et sanglant — de ce qu'il ne faut pas faire. Mais avant de passer aux dimensions académiques, encore faut-il sortir du bourbier. En extraire plus de cent-cinquante mille soldats étrangers n'est pas, en soi, une mince affaire. Cela pourrait déborder bien au-delà de 2014.