Par Khaled TEBOURBI «El Hadhra» à sa troisième version, «Carnaval» de Hassen Doss, les «parfums»complets de Mohamed Ali Kammoun, sans compter «Ezziara»de Sami Lajmi qui en est à sa cinquième année de tournée : rien à dire, la tendance du show et du méga-spectacle se confirme parmi nos musiciens. On peut, bien sûr, en attribuer «l'origine» aux premières Nouba et Hadhra de début 90. C'étaient de vrais modèles artistiques (historiques !) dont on avait bien escompté l'impact et la longévité. Mais pas uniquement. Il y a déjà qu'à l'époque des premières Nouba et Hadhra, la mondialisation produisait ses premiers effets. Recul des genres classiques et avènement des musiques dites du monde. La chanson wataria perdait, en plus, ses dernières icônes. Les publics arabes changeaient d'écoute, découvraient d'autres sons. Le phénomène a surtout engendré chez les nouvelles vagues d'artistes un besoin pressant,(trop pressant ?) d'innovation. L'expression «musiques alternatives» est sans doute née de là : jeunes auteurs, compositeurs, arrangeurs et autres n'entendaient plus reprendre le flambeau des anciens en imposant une musique nouvelle, une musique «bien à eux». On sait ce qu'a été et ce qu'est le parcours du rap en Tunisie. Grands noms, large audition. Couvre-t-il toute la musique tunisienne néanmoins ? Répond-il à toutes nos attentes, à tous nos goûts ? Bien «audacieux» qui l'affirmera aujourd'hui. Idem pour le «jazz oriental», la «mixée», la «fusion», le «mezoued» et le «bédoui» mêmes, tous ont ameuté des foules, tous ont signé et signent encore des succès, mais aucun, vraiment aucun, n'a réussi encore à atteindre la prépondérance de la wataria. Cette «incapacité» à inventer un modèle musical nouveau, représentatif de la culture du pays, expliquerait, aussi, à notre avis, que nos musiciens penchent, de plus en plus, vers le méga-spectacle et le show. Le «méga» et «le show» fonctionnent sur la macro-vision, la macro-sonorité. Alors que les concerts et les récitals s'astreignent aux détails, aux grands et précieux détails :ceux du jeu d'orchestre, des solos d'instruments ,de la partition et des chants.A cela il faut des compositeurs de taille et de vraies compositions ;il faut de belles et de fortes voix, et du chant de haut niveau. Le «méga-spectacle»et le«show» servent à parer à l'absence de ces détails si cela «devait venir à manquer». Des exemples ? La «Hadhra 3» fascine et entraîne par ses images, ses mouvements, ses percussions, mais ses éclats et ses bruyances n'excuseront jamais ni ses dissonances, fréquentes, ni ses «petites voix». Duperie, au final : le «méga», ici, couvre la médiocrité du chant. Même remarque pour le «Carnaval» de Hassan Doss, un chanteur lyrique, et bel alto, pourtant. Doss a échoué dans le chant de fantaisie, il a «gigoté» par ailleurs. Trop. La vérité est qu'il lui manquait du contenu. De la vraie composition. Une prestation d'opéra aurait absolument mieux valu. Un sentiment : nos artistes sillonnent les scènes. Remuent des théâtres. En vain. En fait de création, d'innovation, ils vivent comme un désarroi !