Des installations évanescentes qui seront projetées sur des espaces publics, des bâtiments prestigieux ou des sites désaffectés et oubliés pour dialoguer avec un patrimoine architectural et culturel qui apparaîtra forcément sous un angle nouveau. Top départ pour la rentrée culturelle. On respire enfin en ce septembre chaud ! La période de disette marquée par la fin des festivals d'été et l'attente de la nouvelle saison semble prendre fin. Les espaces culturels annoncent à tour de rôle la reprise de leurs activités. A la bonne heure. Lundi, c'est au tour de l'Institut français de Tunisie de proposer une levée de rideau porteuse du thème et non des moindres : «Mise en lumière du patrimoine par des artistes contemporains». Un événement se propose d'en être le prétexte et la trame, le festival Interférence. La Biennale d'Interférence présentée par son directeur artistique, Aymen Gharbi, et sa commissaire, Salma Kossentini, est un projet international qui a vu le jour dans la Médina en 2016, par un collectif composé de la communauté de la Médina, — comment se passer d'elle —, par des organisations et des artistes. Dans la même veine, outre une valeur ajoutée que représente l'expérience, cette année, le festival réunira 42 artistes tunisiens et venus des quatre coins de la planète. Le lieu sera encore et toujours la vieille ville, plus précisément les espaces géographiquement circonscrits par Bab Bhar et la Kasbah et Rue Mestiri à Bab Mnara. Cette deuxième édition, dont le public de l'IFT a pu en découvrir lundi soir quelques prémices, se déroulera du 6 au 9 septembre. Un côté cosmique dans le stambali Les thèmes : art dans l'espace public, art et société, patrimoine culturel dialoguant avec l'art contemporain sont autant de pistes de réflexion débattues au cours de la table ronde que des processus esthétiques. De quoi s'agit-il concrètement ? D'installations évanescentes qui seront projetées sur des espaces publics, des bâtiments prestigieux ou des sites désaffectés et oubliés pour dialoguer avec un patrimoine architectural et culturel qui apparaîtra forcément sous un angle nouveau. Au cours de la rencontre ont été invités Joris Guibert, vidéaste plasticien français, Mohsen Haraki, artiste marocain basé en France, et Chris alias Yukao Nagemi, artiste français. Tous les trois ont présenté un aperçu de leurs approches qui s'inscrivent toutes, quel que soit le matériau utilisé, dans une volonté de relier une œuvre à un espace visuel et acoustique. Ainsi des lieux et édifices qui naguère figés pourraient retrouver un second souffle insufflé par un art contemporain et des technologies de pointe. Le croisement entre la vidéo, «le stylo électronique », les effets Larsen ou encore la musique stambali, produit du terroir, procède de la même volonté de relier des supports artistiques qui peuvent paraître à première vue éloignés. «Il y a un côté cosmique dans la musique du stambali, » précise Yukao Nagemi et d'ajouter : «L'idée est de mettre côte à côte des éléments qui paraissent à première vue non cohérents». De la résistance Joris Guibert a présenté, quant à lui, le process technique de son travail : «Je prends des machines et les relie entre elles pour donner une forme infinie qui s'autogénère». L'artiste sera appelé alors à vagabonder durant les nuits du festival avec ses machines installées sur une « barwita », carriole, en diffusant ses formes se reproduisant indéfiniment, en interpelant les murs mais aussi les habitants et les visiteurs de la ville historique. Mohsen Haraki a, pour sa part, posé cette question cruciale : « A-t-on le droit de toucher à ce qui existe déjà, s'agit-il d'un dialogue ou d'une violation ? » Cet angle a passionné l'assistance qui, moyennant questions et critiques, a abondé dans cette direction. Il y avait de la résistance dans l'air et en face un débat fructueux pour rassurer certaines voix qui ont vu à travers l'échange patrimoine /art contemporain presque une transgression. Interférence, une expérience artistique, porteuse de concepts et non moins ludique qui consistera, in fine, à inviter le public à déambuler dans les ruelles de la Médina avec les artistes, la nuit, pour contempler des installations qui jonglent avec les murs, les bâtisses et l'obscurité statiques et la lumière faite de tableaux, de lignes, de formes versatiles et mouvantes, et, dans tous les cas, éphémères.