Par Jalel MESTIRI Le contexte dans lequel se revendique aujourd'hui le sport peut-il encore véhiculer les valeurs éducatives auxquelles nous sommes particulièrement attachés ? Le sport et ses différents événements ont pris une place inégalée dans la société tunisienne à tel point que le calendrier sportif rythme la vie quotidienne du Tunisien. Plus encore : les enjeux sociaux, économiques et même politiques autour du sport sont devenus considérables, ce qui constitue la principale menace qui pèse sur l'intégrité des compétitions sportives à partir du moment où les intérêts justifient tous les moyens à employer pour y parvenir. Faut-il penser qu'il est illusoire de spéculer sur la valeur éducative et l'exemplarité du sport ? Où placer le curseur ? Le sport est un domaine de réflexion particulièrement intéressant à une époque où la société semble en perte de repères et où elle s'interroge sur les valeurs qu'elle souhaite voir prévaloir dans le futur. Le sport est à présent définitivement intégré dans la sphère économique. Il est soumis à tous les aléas et contraintes. Cela a eu de multiples conséquences : une élévation significative de la concurrence sportive, un engouement populaire quasi-universel pour les grandes compétitions, un intérêt non dissimulé et financier des médias qui ont su valoriser et commercialiser l'événement sportif auprès des annonceurs. Imaginer désormais un sport professionnel ou de haut niveau sans argent est devenu une utopie. Impossible de faire revivre l'aspect amateur : l'effort collectif ou individuel désintéressé, le respect de la règle et de l'adversaire, la convivialité. Surpassement, goût de l'effort, solidarité, esprit d'équipe. A cette vision humaniste, s'oppose une doctrine qui voit le sport comme un miroir de la société, et donc des valeurs dominantes de son époque. Aujourd'hui, la compétition, la recherche de la performance, l'individualisme, les objectifs économiques ou politiques caractériseraient mieux le sport, en particulier le sport professionnel. Il n'est plus cet exutoire de passions collectives. Il s'est transformé en une obsession incontournable qui occulte tout le reste. Dans un tel contexte, le dérapage est considéré comme un fait ordinaire, tandis que le caractère prétendument exemplaire du sport est ouvertement contredit. Les sportifs ont pris une place considérable, bien supérieure à ce qu'ils peuvent assumer. Aussi génial que soit un sportif sur un terrain, il n'en est pas moins homme avec ses qualités et ses défauts, ses élans de générosité et ses erreurs. D'ailleurs l'on ne peut reprocher aux sportifs d'adopter un comportement d'intérêt personnel, puisque tout le système du sport professionnel repose sur l'utilité, le gain, la rémunération, le produit, le résultat. En un mot : la surenchère commerciale et financière sous-jacente. On ne peut non plus exiger d'eux des comportements exemplaires, tant au plan individuel que collectif, car ils évoluent dans un univers déconnecté d'argent facile et abondant, et dans un milieu sportif où il faut se singulariser pour gagner à tout prix. Du fait de leur parcours personnel et de leur environnement social, rien ne prédispose les sportifs à être les parangons de vertu que l'on souhaiterait qu'ils soient, au moins durant le temps de leur présence sur les terrains, sur les pistes, sur les parquets, sur les cours. Au-delà du dépassement de soi et de la recherche permanente de la performance, la vocation du sportif, professionnel ou de haut niveau, est et restera de nous divertir, de nous procurer des émotions collectives. Alors ne compromettons pas aujourd'hui ce que nous avons adoré hier et continuons à aller aux stades !