Par Jalel Mestiri Sur fond d'une métamorphose éclatante et dans un environnement conditionné par la surenchère, rien ne prédispose aujourd'hui à l'archétype et au modèle de vertu que l'on souhaiterait. Le football tunisien connaît sa propre crise de gouvernance. Il fonctionne avec la prétendue spécificité sportive qui engendre à la première occasion des dérives et des dérapages successifs et accablants. Il ne sert plus que de paravent pour tenter de cacher la prosaïque d'une réalité amère. Il s'agit au fait d'une crise institutionnelle qui recouvre plusieurs enjeux apparents et d'autres sous-jacents. L'histoire de la singularisation du football tunisien est superficielle. Elle incarne ce qui, au fond, a le plus contribué à dissocier les valeurs de leur réelle signification. D'où les conflits, souvent d'intérêt, entre les différentes instances. Le dernier en date est celui qui oppose la fédération à la Télévision nationale, et spécialement à l'émission sportive « Dimanche Sport ».Dans un univers déconnecté, d'argent facile et abondant, dans un milieu où il faut se singulariser pour avoir le dernier mot, les comportements exemplaires, que ce soit individuels ou collectifs, se perdent. Cette transformation démesurée en terme de comportement renvoie à une surexposition médiatique, parfois même spectaculaire où toutes les lignes rouges sont dépassées, à la pression qu'elle induit sur les spectateurs, et à son effet grandissant. Les dérives et les dérivés ont fini par devenir inquiétants. La scène sportive n'est plus d'ailleurs un exutoire de passions collectives. Elle s'identifie de plus en plus à une obsession incontournable qui occulte l'essentiel et le fondamental. Lorsque le président de la fédération réunit les présidents des clubs rien que pour prendre position contre une émission sportive, lorsque cette même émission sportive se laisse entraîner dans un conflit et dans un règlement de compte qui ne la concerne pas, il devient ainsi facile de spéculer sur la valeur éducative et l'exemplarité du football et de ses acteurs. Nous sommes dans le regret de constater que le fossé qui sépare aujourd'hui ce qui est demandé de ce qui est proposé, notamment par rapport aux valeurs, à l'authenticité et à la conformité du sport, n'a jamais été aussi grand et aussi large. Le football est à présent définitivement intégré dans la sphère des conflits, des affrontements et des altercations de tout bord. Tous les aléas et les dépassements qui en découlent nous amènent à nous interroger sur la gouvernance du football tunisien. Avec l'arrivée de nouvelles chaînes qui n'ont pas toutes forcément les droits d'image, le nombre d'émissions de débats a explosé ces dernières années. Reste toutefois le problème de l'aptitude, de la compétence, du professionnalisme. Quand on est issu d'un milieu, il y a des techniques qu'on doit maîtriser, une éthique qu'on doit respecter. Le paysage télévisuel est aujourd'hui particulièrement propice au développement des commentaires virulents, des interventions acerbes et des jugements excessifs. L'idée est là : il n'y a pas d'émission sportive sans cette tendance de dispute, de blâme et de procès de l'autre. Au journaliste sportif sont généralement accolés des consultants qui envahissent de plus en plus les plateaux de télévision et dont la plupart profitent de cette présence pour régler des comptes. Anciens sportifs, pas nécessairement de haut niveau, entraîneurs en chômage et omniprésents au détriment des journalistes, il y a de ces consultants qui en veulent encore à mort à la fédération, rien que pour n'y avoir pas décroché une place de responsable technique. Sur fond d'une métamorphose éclatante et dans un environnement de plus en plus conditionné par la surenchère, rien ne prédispose aujourd'hui à l'archétype et au modèle de vertu que l'on souhaiterait. D'un côté comme de l'autre, les différents intervenants ne sont plus motivés que par un comportement de dénigrement et qui est loin de pouvoir véhiculer les valeurs éducatives auxquelles le football était dans le passé particulièrement attaché. Le football n'est plus une activité de petite taille. Cela veut dire qu'il ne doit plus continuer à être mal géré. Le narcissisme a encore de beaux jours devant lui. Une spécificité à laquelle les responsables, qui ont leur mot à dire dans ce sujet, doivent mettre fin. Que nous reste-t-il finalement pour tenter de faire survivre les valeurs éducatives que l'on attend du football? Effort collectif et individuel ? Respect des règles et des principes ? Intérêt supérieur ? Une chose est cependant urgente: la création d'un comité de vigilance sportive et médiatique susceptible de remettre de l'ordre dans un environnement de plus en plus accessible aux intrus!...