Faire régner l'ordre est tout ce qui nous reste pour sauver le sport, pour réhabiliter un climat positif. Le sport tunisien a besoin de changer de trajectoire, de retrouver la voie. Rien n'est vraiment exemplaire dans notre sport, dans le sport d'aujourd'hui. Ni l'ambiance dans les stades, ni les rapports humains entre les acteurs (joueurs, clubs, public), ni le mode de vie, ni la gestion, ni la gouvernance des différentes instances. Distraction populaire, le sport n'est plus aujourd'hui une référence ni de jeu, ni de terrain, ni de valeur. Dans une activité dimensionnée à l'extrême, rien ne prédispose les parties impliquées à être le modèle de vertu que l'on souhaiterait qu'elles soient. Elles sont loin de pouvoir véhiculer les valeurs éducatives auxquelles le sport était dans le passé particulièrement attaché. Dans un univers déconnecté, dans un milieu où il faut se singulariser pour gagner à tout prix, les comportements exemplaires, que ce soit individuels ou collectifs, ont plus que jamais leur raison d'être sur le terrain et en dehors des stades. Cette transformation démesurée en termes d'attitudes, mais aussi de résultat renvoie à la surexposition des compétitions, notamment celles du football, à la pression qu'elle induit sur les acteurs, et à son effet grandissant : violence, fanatisme, délire et intolérance. Les dérives et les dérivés ont fini par devenir inquiétants. Le sport doit rester un jeu, un exutoire de passions collectives, sans devenir une obsession incontournable qui occulte l'essentiel et le fondamental. D'ailleurs, c'est dans cette optique que s'inscrit l'intervention du Chef du gouvernement, Youssef Chahed, pour faire face à un dérapage incontrôlé. Le message, sur fond d'avertissement, est clair : retour à la raison, ou rétablissement du huis clos, voire suspension tout court de la compétition. Faire régner l'ordre est tout ce qui nous reste pour sauver le sport, pour réhabiliter un climat positif. Le sport tunisien a besoin de changer de trajectoire, de retrouver la voie. Ceux qui défendent une approche centrée sur l'intérêt commun plutôt que l'intérêt individuel savent parfaitement qu'il est temps de saisir le sens de la rupture comme un processus inévitable dont il est urgent d'en retracer les différentes étapes et d'en favoriser les conditions émergentes. Cela nécessite un travail qui cultive le respect des valeurs et les obligations mutuelles. Cette approche suppose aussi de ne pas en rester à la seule sphère des propositions, mais de comprendre le sens du changement au regard des nouvelles contraintes et des nouvelles obligations. Nous sommes dans une époque où le sport baigne, transpire, dégage et produit la médiocrité. Il inspire les responsables les plus maladroits, sans idées ni valeurs, et dont la seule ligne de conduite est le populisme. Ces gens-là, on ne les voit pas seulement comme défaillants, mais surtout comme une déviance constituée et entretenue. Le football, sport roi, connaît sa propre crise de gouvernance. Il fonctionne ces dernières années sans la prétendue spécificité sportive qui, malheureusement, ne sert plus que de paravent pour tenter de cacher la prosaïque, l'insipidité d'une réalité amère. Il s'agit, à ne plus en douter d'une crise institutionnelle qui recouvre plusieurs enjeux apparents, et d'autres sous-jacents. D'où les conflits d'intérêts entre les différentes parties et qui nous amènent à nous interroger sur la question de la gouvernance du football et qui le dirige réellement ? Le sport crée le lien social Il est devenu facile de spéculer sur la valeur éducative et l'exemplarité du sport et de ses acteurs. On ne cesse en effet de constater, et par conséquent d'affirmer, que le fossé qui sépare aujourd'hui la pratique et la réalité, par rapport aux valeurs, à l'authenticité et à la conformité du sport, n'a jamais été aussi grand et aussi large. Le sport est plus que jamais soumis à tous les aléas et toutes les incertitudes qui en découlent. Mais même si les attitudes et le comportement de la plupart des intervenants font état d'un mode complètement différent de ce qui est exigé, voire sacré, même si les valeurs sportives ont plus que jamais perdu de leur sens et de leur vocation, l'on continuera toujours à croire que le sport est l'une des rares activités qui a le plus de chances et d'opportunités pour consacrer les valeurs de la citoyenneté. Que ce soit sur les terrains ou ailleurs. A la place des coalitions qui divisent plus qu'elles ne rassemblent, on aurait plutôt besoin de programmes et de projets. Le sport crée le lien social. Il scelle la réconciliation à travers une épreuve et une adversité qui en principe devraient symboliquement donner un vainqueur et un vaincu. Principale manifestation sportive, les chocs entre les grandes équipes auraient dû être l'occasion d'offrir l'image d'une possible réconciliation du peuple dans toutes ses composantes. Le sport comme nécessaire outil de rapprochement, de concorde et de fraternisation, voilà sans doute l'un des principes sur lesquels on devrait désormais agir. La priorité serait une vraie réflexion sur la gouvernance du sport. Il faut s'interroger sur la place qu'il occupe dans la société, sur les rapports entre sport et résultats. On est au bout du système associatif appliqué au sport. Ça ne marche plus, il faut évoluer car les enjeux sont devenus aujourd'hui incommensurablement importants. Mais quelles que soient les recommandations à prendre, quelle que soit la nature des solutions proposées, l'on ne doit pas oublier que le sport n'est pas une activité comme les autres. S'il reste capable du meilleur comme du pire, il implique encore et toujours des valeurs, des vertus, une culture. On aura toujours le droit d'aspirer à une activité qui ne soit pas inspirée des polémiques. Alors régulons et mettons en œuvre correctement la spécificité sportive. Il y a des instances statutaires, qu'elles soient saisies des débordements, qu'elles agissent en conséquence, qu'elles appliquent la loi, qu'elles régulent la vocation et la marge de manœuvre des différentes parties prenantes.