La décrispation du climat général a été confirmée hier par la signature de l'accord sur les augmentations salariales dans le secteur privé par Noureddine Taboubi (Union générale tunisienne du travail) et Samir Majoul (Union tunisienne de l'industrie, du commerce et de l'artisanat), en présence du chef du gouvernement, Youssef Chahed, au palais de La Kasbah. Le sentiment d'apaisement des tensions, qui ont plombé le pays et accru le mécontentement général, a déjà été inspiré par les récentes réunions en aparté du président de l'ARP avec successivement Youssef Chahed et Taboubi dans le cadre d'une médiation pour tenter de briser le mur de glace qui s'est érigé entre la centrale des travailleurs et la présidence du gouvernement. L'apaisement se concrétise aujourd'hui, ouvrant la voie à d'autres accords et surtout au retour du dialogue constructif entre les différents protagonistes de la scène politique, économique et sociale après plusieurs mois de rupture entraînant un blocage général. Un pas vers la stabilité, selon Taboubi L'accord relatif aux majorations salariales dans le secteur privé a donc été signé, hier, dans une ambiance plutôt détendue en présence également du ministre des affaires sociales, Mohamed Trabelsi. Cet accord a finalement tablé sur une majoration de 6.5% (l'Ugtt ayant proposé initialement 10%) au titre de 2018 et 2019 applicables sur les salaires de base de 2017 et 2018). Le taux de 6,5% est également applicable sur les primes à vocation générale et fixe au titre de 2017 et 2018. A noter que ces augmentations prennent effet à partir des dates sus-indiquées. L'accord prévoit également la reprise des négociations sur les augmentations sectorielles cette fois, à partir d'avril 2020. Selon Noureddine Taboubi, le document signé (hier) conformément à l'accord conclu le 10 mars 2017 est «un pas vers la stabilité» dans la mesure où il permettra d'améliorer le pouvoir d'achat. Le secrétaire général de l'Ugtt n'a pas manqué de rappeler à cette occasion « la nécessité d'augmenter les salaires dans le secteur public conformément aux accords conclus ». Du côté de l'Utica, la situation difficile des entreprises a été soulignée par son président qui, tout en précisant qu'il n'existe pas de conflit entre la centrale patronale et la centrale ouvrière, a profité de l'opportunité pour mettre l'accent sur la nécessité d'améliorer la productivité et d'œuvrer ensemble à renforcer les facteurs de la croissance. Les partenaires sociaux ont franchi hier un pas important vers l'apaisement du climat social, un message que le chef du gouvernement a tenu à entériner en annonçant que les négociations avec l'Ugtt vont se poursuivre et que d'autres accords vont être conclus, notamment pour ce qui concerne les augmentations salariales dans la fonction et le secteur publics et les caisses sociales. Issue sociale à la crise politique ? Le retour au dialogue et aux négociations fructueuses amorce un tournant dans l'évolution de la crise politique qui a débouché sur une impasse. L'issue sociale à la crise semble ainsi désormais plus probable et plus accessible qu'une issue politique, du moins pour l'heure. Taboubi a, en effet, clairement et franchement signifié que son rapprochement avec Nida de Hafedh Caïd Essebsi contre Youssef Chahed a vécu et que désormais, il entend composer avec le Parlement, «le véritable centre du pouvoir», pour trouver les solutions qui s'imposent au profit de la classe laborieuse. Cette décision a finalement débouché sur une rencontre avec le chef du gouvernement à La Kasbah et le redémarrage des négociations sociales. Le nouveau positionnement de l'Ugtt à égale distance des partis politiques et son retour à son rôle essentiel d'organisation syndicale facteur d'équilibre dans l'échiquier national font la différence désormais avec les voix qui s'élèvent encore pour appeler le président de la République à mettre en application l'article 99 de la Constitution afin de faire tomber le chef du gouvernement au Parlement. Ce qui n'est d'ailleurs pas si sûr au vu des démissions en cascade au sein de Nida et de la reconfiguration de la plupart des blocs parlementaires. Ces voix semblent omettre que le temps que prendra la mise en place d'un nouveau gouvernement empiètera sur la date des prochaines échéances électorales de 2019. Cette affirmation repose sur les expériences passées depuis les élections de 2011. En tout état de cause, il n'est plus un secret pour personne que des partis politiques cherchent à empêcher la tenue des prochaines élections en 2019 et à les reporter à 2020, voire 2021.