Après la pluie, le beau temps. Le réchauffement des relations entre le président du gouvernement, Youssef Chahed, et le secrétaire général de l'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT), Noureddine Taboubi, semble se confirmer. La centrale syndicale semble en effet avoir renoncé à son attitude belliqueuse à l'encontre du locataire du palais de la Kasbah. Ses dirigeants n'appellent plus, à l'occasion des rassemblements publics et durant leurs apparitions médiatiques, au limogeage de Youssef Chahed. Le discours de Noureddine Taboubi et ses lieutenants est beaucoup moins frondeur, plus policé. De même, les membres du gouvernement sont plus soucieux de ne pas s'attirer les foudres de la puissante centrale syndicale, qui est désormais présenté comme un «partenaire important» et «l'un de piliers de la stabilité politique et sociale» dans le pays. Mieux, le ministre des Relations avec les instances constitutionnelles et la société civile, Mehdi Ben Gharbia, un pourfendeur impétueux de l'organisation ouvrière, a rendu hier le tablier. Ce ministre avait vertement critiqué l'attitude de l'UGTT lorsqu'elle a posé des lignes rouges en ce qui concerne la privatisation des entreprises publiques ou apporté un soutien de taille aux protestations syndicat de l'enseignement secondaire qui ont failli causer une année blanche. L'attitude plus amicale de l'UGTT à l'égard du président du gouvernement s'explique, en premier lieu, par la prédisposition affiché par l'exécutif de satisfaire les diverses revendications de la centrale syndicale. Après avoir tergiversé, Youssef Chahed a signé, vendredi, avec le secrétaire général de l'UGTT, Noureddine Taboubi, un accord relatif aux négociations sociales dans le secteur public et la fonction publique. Cet accord prévoit notamment des augmentations salariales couvrant les années 2017, 2018 et 2019. Jusque-là, le gouvernement souhaitant que les négociations ne concernent que les années 2018 et 2019, invoquant les fortes pressions sur les financer publiques, tandis que la centrale syndicale refusait de classer 2017 en tant qu'«année blanche». Le gouvernement a ainsi ignoré les recommandations du Fonds monétaire international (FMI) relatives à la réduction de la masse salariale dans le secteur public, qui dépasse 1 % du PIB du pays. Dans son dernier rapport sur l'économie tunisienne, le FMI a appelé les autorités à geler les salaires dans le secteur public, rappelant que le précédent round de négociations sociales a abouti à des augmentations salariales incompatibles avec la trajectoire de la croissance économique du pays. Le président du gouvernement et le secrétaire général de l'UGTT avaient d'autre part signé, le 7 juillet au palais Dhiafa à Carthage, un accord global destiné à assainir le climat social. Cet accord porte sur 15 points notamment relatifs aux négociations sociales, le travail précaire, les majorations salariales dans certains secteurs, la réforme des caisses sociales, la maîtrise des prix, la sauvegarde du pouvoir d'achat et la révision des statuts de base du secteur de la fonction publique et des institutions publiques. Soutien des bailleurs de fonds Le Gouvernement et l'UGTT s'apprêtent, par ailleurs, à signer des accords sur le versement des augmentations salariales au profit des retraités et la majoration du salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG), et du salaire minimum agricole garanti (SMAG), de 6% au moins. Le changement de l'attitude d'une bonne partie des députés et des dirigeants de Nidaa Tounes à l'égard du Chef du gouvernement aurait aussi amené l'UGTT à de meilleurs sentiments à l'égard du locataire du palais de la Kasbah. Réunie le 11 juillet, l'instance politique de Nidaa Tounes a, en effet, appelé ouvertement à une stabilité gouvernementale. Cette instance, composée de Sofiène Toubel et d'une dizaine de membres du parti, a également insisté sur le fait qu'elle est le seul organe exécutif de Nidaa ayant pour responsabilité de diriger le parti de façon collégiale, et ce comme le souligne le règlement intérieur. Et last but not least, Youssef Chahed a repris du poil de la bête après le vote favorable dont il a bénéficié de la part des bailleurs de fonds. Le FMI vient de décaisser une nouvelle tranche de crédit d'un montant de 250 millions de dollars environ, après le déclouage, en mars dernier, d'un montant de 257 millions de dinars alors qu'il avait reporté le versement d'une tranche l'année dernière. «La mauvaise période est passée et la croissance est de retour, il s'agit maintenant de la positionner sur une trajectoire plus forte afin qu'elle puisse répondre aux attentes particulièrement d'emplois dans le pays», a notamment déclaré Bjoern Rother, le chef de mission du FMI pour la Tunisie, lors d'une conférence de presse suite au déblocage de la nouvelle tranche de prêt. Dans la foulée, la Banque mondiale a apporté des appuis de 500 et 130 millions de dollars destinés à accompagner les réformes économiques. Enfin, huit bailleurs de fonds internationaux, dont l'Agence française de développement (AFD), la Banque africaine de développement (BAD), la Banque européenne d'investissement (BEI), se sont rendus au chevet de la Tunisie les 11 et 12 juillet. Ils ont convenu d'accorder à la Tunisie 5, 5 milliards d'euros (16,9 milliards de dinars), dont 2,5 milliards d'euros (7,7 milliards de dinars) programmés pour l'année 2018/2019. Une enveloppe colossale perçue comme un signe de confiance dans le gouvernement, qui a été aussitôt saisi par l'UGTT et les autres pourfendeurs de Youssef Chahed.