Jacques Pérez est mon ami, mais aussi celui de nombreuses autres personnes. Et toutes avaient tenu à se déplacer pour voir le film que lui avait consacré Saïd Kasmi Mitterrand. Bon sang ne sachant mentir, quand bien même ce serait celui d'une filiation de cœur et d'esprit, Saïd Mitterrand a été à bonne école, et son film était réussi. Un film sensible, délicat, fidèle à l'esprit de celui à qui il souhaitait rendre hommage. Un film de couleurs, d'impressions, de sentiments. Frédéric Mitterrand, qui signe le texte, n'y raconte pas la vie de Jacques Pérez, ou très peu, par petites touches, avec la discrétion qui caractérise ce personnage hors norme, la modestie et l'humilité qui est le label de ce grand talent. Il le laisse raconter, en images, en anecdotes, avec humour, des souvenirs, des rencontres, des choix, des émerveillements. On suit ce regard affectueux que l'ami Jacques promène sur les bords des chemins, cet éblouissement continu dont jamais il n'a su se départir. On l'accompagne à travers cette Tunisie qu'il a sillonnée cent fois, mille fois, et à laquelle, chaque fois, il rend le même hommage inconditionnel. Saïd Mitterrand a su inviter les bonnes personnes, des témoins privilégiés qui sonnent juste, qui ont saisi la portée de ce regard. Et surtout, il a su nous donner à voir avec fidélité la pureté de cet œil qui refuse tout artifice, la candeur de cet artiste qui ne se reconnaît pas comme tel, le travail de ce besogneux qui ira promener son objectif aux heures les plus désertes, à l'aube, ou aux heures torrides, quand il n'y aura personne, plutôt que d'improviser une mise en scène. Et c'est peut-être cela la première caractéristique du talent de Jacques Pérez : son honnêteté, La projection du film, réalisé pour la chaîne Histoire, avait été annoncée depuis longtemps à la Maison de l'image. Aussi, ne pouvait-on qu'être surpris par l'étonnante cacophonie qui précéda sa diffusion. Quarante minutes d'essais, contre-essais, arrêts, retours sur images, explosions de crachotements, zébrures de lumières, noir envahissant l'écran. Les amis de Jacques ne se sont pas découragés. Ils ont attendu stoïquement que ces faux départs et vrais cafouillages prennent fin. Qu'ils en soient remerciés.
