Dans les photos de Jacques Perez, qui fut un des regards les plus affûtés et les plus sensibles que nous ayons eus, on retrouve une étonnante familiarité avec l'œuvre de Roubtzoff, probablement involontaire, mais néanmoins réelle. La rencontre de Jacques Perez et d'Alexandre Roubtzoff est une longue histoire. Cela faisait longtemps que le regard vagabond de notre photographe s'attachait à suivre les traces de ce peintre qui fut un témoin privilégié de près d'un demi-siècle de notre histoire. Cela faisait longtemps que, mettant ses pas dans ceux de l'artiste, il retrouvait les parcours qu'il avait suivis, s'arrêtait aux sites qui l'avaient retenu, cherchait l'angle qu'il avait choisi. Dans les photos de Jacques Perez, qui fut un des regards les plus affûtés et les plus sensibles que nous ayons eus, on retrouve une étonnante familiarité avec l'œuvre de Roubtzoff, probablement involontaire, mais néanmoins réelle. Jacques Perez, qui a pour théorie d'attendre que les choses viennent à lui, a pris conscience de cette similarité de regards, et y a consacré un premier ouvrage dédié à la ville de Tunis. Et comme il aime que les choses soient abouties, il ne s'arrêta pas en si bon chemin, et nous offre aujourd'hui un superbe opus consacré, cette fois, au reste de la Tunisie. Le photographe-éditeur, car Jacques Perez ne laisse à personne le soin de réaliser ses livres, décida de se plonger dans les carnets de l'artiste. Une entreprise colossale car la collection, conservée par l'Association des amis de Roubtzoff, ne compte pas moins de 10.000 dessins. Des croquis, des esquisses, des notes dessinées, des détails qui suggèrent, tous attestant de la très grande maîtrise du dessinateur. Il en sélectionna une cinquantaine des plus expressifs, dont les sujets couvrent géographiquement la Tunisie, auxquels il offrit en contrepoint ses photos du même lieu, monument, site, rue ou demeure. Pour accompagner «ces croquis fulgurants qui en quelques traits traduisent l'essentiel d'un lieu et l'évanescence de l'instant», Jacques Perez a choisi, en toute humilité, de faire parler Roubtzoff lui-même. Dans le journal intime que le peintre nous a laissé, il trouve impressions et pensées qui illustrent parfaitement ces dessins qui en sont souvent le prolongement. Mais il nous confie tout de même son approche. «Nous, qui pensions être photographe, parfois éditeur, nous voilà devenu archéologue du temps, en immersion totale d'une œuvre graphique prodigieuse. Des archives consignées dans des carnets Moleskine, ces légendaires carnets si prisés par Picasso, Van Gogh et bien d'autres. Au total 160 carnets patinés par le temps et les tribulations, renfermant plus de 7.000 dessins auxquels viennent s'ajouter 3.000 autres sur feuilles volantes. Œuvres jamais montrées, élaborées en toute liberté loin des regards et des conventions». Et parce qu'il n'est pas qu'archéologue, mais qu'un livre, c'est aussi une histoire de cœur, Jacques Perez nous livre deux ou trois choses qu'il sait de Roubtzoff : son dernier dessin, par exemple, représentant Sidi Mahrez patron de ce Tunis qui l'a accueilli, et auquel il rend un dernier hommage. Mais aussi le testament du peintre dans lequel il ne se soucie que de la pérennité de son œuvre qu'il confie aux frères Boglio qui en conserve et en protègent à ce jour la mémoire.