En matière de lutte contre le commerce illicite, l'Etat continue de marquer des points sans pour autant céder au triomphalisme, tout simplement parce qu'il ne cesse, en parallèle, d'en concéder. Une partie de... ping-pong qui n'a pas l'air de s'achever de sitôt. En effet, l'Etat a beau augmenter le nombre de brigades de contrôle économique, peine perdue. Il a beau user de descentes policières musclées, de mesures de dissuasion, de campagnes de sensibilisation et même d'arrestations spectaculaires dans les rangs, pourtant hermétiquement gardés, des barons de la contrebande, rien n'y fit. C'est que ces derniers, solidement structurés et, pourquoi ne pas le dire, fort pistonnés, ont l'imagination fertile et ne sont jamais en panne d'idées, dès qu'il s'agit de la nécessité de contourner le danger et de dérouter «l'adversaire». Et l'on sait, par exemple, que ces réseaux ne cachent plus leurs marchandises dans les dépôts de stockage, mais dans... les fermes agricoles et que, pour passer incognito, ils ont remplacé les traditionnels camions de transport poids lourd par des voitures de tourisme. Idem pour les transactions commerciales qui ne s'opèrent plus par chèques ou traites, mais cash, quitte à ce que le paiement s'effectue en... devises! L'on sait également qu'en matière d'innovation, donc de prévention, les contrebandiers changent désormais de passeurs et d'intermédiaires au niveau des frontières terrestres avec la Libye et l'Algérie, par où transite l'essentiel de la marchandise (produits alimentaires, tabac, appareils électroménagers, armes, pièces de rechange, argent, bijoux, véhicules, drogue...). Petit contrebandier deviendra grand Ceci pour les grosses pointures des barons de la contrebande. Forcément, leurs poulains s'en inspirent, en rêvent et, l'ambition aidant, font tout pour s'y aligner. Ces contrebandiers en herbe sont, généralement, des délinquants qui ont maille à partir avec la police, pour avoir souvent séjourné dans... l'auberge de la prison! Au lieu de s'assagir, ils ont plutôt mis à profit leur expérience carcérale pour développer un penchant plus prononcé pour l'aventure. Et sans ce «don», ils n'ont d'ailleurs aucune chance d'être recrutés par les boss de la contrebande qui leur confient, au début du «bail» et pour s'aguerrir rapidement, les petites tâches qu'on appelle dans leur jargon «le stage de la rue». En effet, sur la voie publique, on trouve celui qui joue le rôle de l'indic, celui qui est chargé de la distribution des doses de drogue, alors que l'autre doit s'occuper des autres trafics qui prospèrent sur les étals anarchiques : acheminement de la marchandise et… circulation de faux billets ! A preuve, des coups de filet policiers en ont fait état, sans pour autant parvenir à éradiquer ces trafics que gèrent, de loin, des barons bien structurés, constamment «connectés» et fortement protégés, par complicités interposées ! Intraitables… Prenons maintenant l'exemple des étals anarchiques de la ville de l'Ariana. L'on sait qu'ils ont récemment plié bagage au terme d'une fulgurante descente policière dans leur fief du périmètre situé devant le marché municipal. Or, aussi étonnant que cela puisse paraître, le verre est resté à moitié vide, dans la mesure où ces revendeurs de fortune n'ont pas totalement abdiqué. En effet, ils sont aussitôt revenus à la charge, en transférant leurs étals dans les rues et ruelles voisines. «Aimantés», les clients s'y amènent de nouveau. «Qu'à cela ne tienne, nous sommes prêts à aller au coin d'une ruelle, et, s'il le faut, dans une impasse pour faire nos emplettes à bas prix», jubile une dame qui affirme redouter le marché municipal aux tarifs demeurés inaccessibles. Approchée, une source policière souhaitant garder l'anonymat précise que «nous n'avons à garder que l'ex-périmètre du marché. Ailleurs, nous n'avons pas encore reçu l'ordre d'intervenir». Sans commentaire.