Dans ce film, la réalisatrice de «L'amante du Rif» et «Les yeux secs» interpelle la mémoire et sensibilise au calvaire vécu par les familles marocaines expulsées. Il s'agit, aussi, d'un retour sur une phase sombre, un traumatisme, un sentiment d'injustice profond et un tatouage indélébile. Les JCC ont choisi «Apatride», film politico-poétique de Narjiss Nejjar à l'ouverture de sa 29e édition. Une chronique douce-amère de l'exil qui se déroule dans les décors naturels de l'Orientale, à la frontière du Maroc et de l'Algérie. L'histoire de Hénia (Ghalia Ben Zaouia), qui n'a pas de nationalité légale étant donné qu'elle est de père marocain et de mère algérienne, est celle de milliers de Marocains, 350 mille selon la réalisatrice du film, qui vivent ce problème. Durant tout le film, le souci de Hénia est de regagner l'Algérie qu'elle voit en face d'elle et qui semble impossible à atteindre. Elle veut rejoindre coûte que coûte sa mère puisque le pays de son père ne la reconnaît pas. Ainsi est la loi. Sans livret de famille, pas de carte d'identité nationale. Sur conseil de la femme qui l'a recueillie et que Hénia considère comme sa tante, elle se marie avec un vieil homme aveugle, mais elle aime son fils, marié et vivant en France mais qui vient de temps en temps rendre visite à son père. Hénia fait partie de ces Marocains expulsés d'Algérie sans papiers, ni effets personnels avec l'angoisse pour certains de ne pas obtenir de documents d'identité justifiant leur existence. Il s'agit là d'un problème politique crucial entre deux pays maghrébins dont les dirigeants empêchent la libre circulation de leur population. Une population contrainte à l'exil ou à entrer clandestinement dans le pays voisin avec tout le risque que cela engendre. Un conflit frontalier qui perdure et mène la vie dure aux expulsés. L'intérêt du film est d'avoir abordé cette question. Quant au traitement scénaristique, il reste assez alambiqué. On veut bien croire que la solution pour Hénia est de se marier pour avoir ses papiers. Mais de là à avoir une relation avec le fils de son époux et tomber enceinte de lui, puis ce fils est rejoint par sa femme française qui devient amie et complice de Hénia. C'est trop gros comme ficelle dramatique. Et puis, la fin ressemble à une chute libre du haut d'une montagne. 80% de l'histoire sont filmés en gros plan, notamment le personnage principal Hénia, dont l'actrice qui campe le rôle est certes belle, mais est-ce une raison de la filmer souvent en plan serré ? Il est vrai que l'actrice Ghalia Ben Zaouia maîtrise le jeu basé sur le silence, la profondeur du regard et des expressions de non-dits et illumine par sa présence l'écran. La réalisatrice a pris le risque de jouer sur les silences, les bruits de fond et les respirations. Un parti pris audacieux certes, mais les lenteurs de certaines scènes sont assez lourdes. Dans ce film, la réalisatrice de «L'amante du rif» et «Les yeux secs», Narjiss Nejjar, interpelle la mémoire et sensibilise au calvaire vécu par les familles marocaines expulsées, qui constitue une violation flagrante des droits de l'homme et du droit international humanitaire. Il s'agit, aussi, d'un retour sur une phase sombre qui a laissé chez les Marocains expulsés un traumatisme, un sentiment d'injustice profond et un tatouage indélébile.