La salle AfricArt crée l'événement en programmant en première le nouveau film du légendaire Francis Ford Coppola, « Tetro ». A peine sorti en France, le voilà sur nos écrans au grand bonheur des cinéphiles en soif de bons films projetés dans une salle sombre et non en copie DVD piratée. Mercredi dernier, la salle archi- comble témoignait de l'ampleur de l'événement. Il faut dire qu'il est rare de voir un film sur nos écrans au même moment que sa sortie en Europe. Et quel film ! le nouveau Coppola ! Un cinéaste dont le génie n'est plus à démontrer, qui a livré au monde du 7ème Art, des chefs d'œuvre incontestables. Ceux qui s'attendaient à une œuvre du genre « Apocalypse Now » ou « Le parrain », se retrouvent déçus devant un film plus personnel, plus indépendant des exigences de Hollywood. Après un film passé inaperçu en 2007, « L'homme sans âge », Coppola récidive avec un autre qui n'a pas non plus séduit le jury du festival de Cannes qui l'a privé de la compétition officielle. « Tetro » a failli être normal, avec l'histoire déjà vue d'un homme qui coupe les ponts avec sa famille et s'exile pour commencer une autre vie. Sauf que la réalisation, l'esthétique du film, les allusions à l'autobiographie du réalisateur, sauvent l'œuvre d'un destin banal. Tetro, artiste incompris, fils d'un célèbre chef d'orchestre à l'ego démesuré, s'exile à Buenos Aires, pour oublier sa vie passée et vivre sa vraie passion, l'écriture. Tout bascule quand son frère, Benjamin, lui rend visite et décide de passer quelques jours chez lui. Les rapports familiaux compliqués sont remis à table et le conflit entre père et fils sont au centre de l'intrigue. Il y a un lourd secret familial, un sentiment que les choses ne sont pas entièrement révélées même si le réalisateur ( qui a lui-même écrit le scénario) livre au fur et à mesure quelques bribes de réponse. De mystère en mystère, la narration et le scénario sont riches en rebondissements, en tensions et en sous-textes. A travers l'histoire d'une famille bien singulière, le film s'interroge sur beaucoup de thèmes : l'amour, les rapports familiaux, le père, la transmission comme dans la trilogie du Parrain et bien évidemment, la rivalité. En effet, la rivalité fraternelle est le thème choisi par le réalisateur comme il l'a déclaré. Comme toujours, la rivalité est destructrice. Le film comporte une empreinte spéciale, un esthétisme particulier avec une histoire filmée en noir et blanc, des séquences souvenirs en couleur et des références à des films classiques en technicolor (les contes d'Hoffman). Le film n'a pas pu être réalisé par quelqu'un d'autre, c'est de la propre vie de Coppola qu'il s'agit. On retrouve le père, chef d'orchestre alors que le père du réalisateur était un flûtiste, et l'oncle musicien aussi. Il a aussi une thématique qui revient souvent et qu'on ne peut rater, celle de la lumière. Souvent, la lumière est comme un traumatisme pour Tetro. Elle évoque sa jeunesse, les flashs photographiques sur un père mégalo délaissant sa famille pour la gloire et le pouvoir. Vincente Gallo dans le rôle de Tetro est sublime, ou bien le contraire, Tetro pour Gallo l'a rendu énorme. Seul Alden ehrenreich est un peu agaçant parce qu'il a une ressemblance physique frappante avec Leonardo Di Caprio et cinématographique aussi (Blessures secrètes avec Robert de Niro) , qui ne cesse de nous titiller à chaque fois qu'il apparaît à l'écran. On peut passer des heures à parler du film, des références de Coppola, de son malin plaisir à brouiller les pistes et à synthétiser tous les procédés. « Tetro » exprime l'amour du réalisateur pour l'art du cinéma mêlant à souhait plusieurs styles et jouant de la mémoire collective des cinéphiles. Il est vrai que Tetro a donné au réalisateur une nouvelle empreinte qui marque son retour au cinéma avec humilité et simplicité, mais aussi avec grâce.