Par Samir ALOUI (universitaire) Les TIC ont été sacrées par la révolution numérique des années 80 et la genèse du Multimédia (mariage entre l'audiovisuel, l'informatique et la téléphonie), comme le vecteur locomoteur à très fort potentiel dans l'avènement et la pérennisation de l'économie numérique tant de sa dimension transactionnelle immatérielle que de sa vocation planétaire. Avec la mondialisation aidant à ancrer le ‘small village' planétaire numérisé, le secteur des TIC s'est vu se tailler une place centrale non seulement dans ‘l'équipementage' dorsal en technologies de pointe recherchées par une économie donnée; mais également dans la stimulation porteuse de l'ensemble du tissu socio-économique et culturel à travers des effets d'entraînement générateurs — effet levier — d'opportunités, de gains de coûts et de compétitivité. La croissance fulgurante de la technologie mobile, la pénétration des terminaux mobiles, le lancement des services 3G avec la tendance mondiale vers le tout multimedia (VoD, streaming audio & vidéo, vidéoconférence, e-commerce, etc.), le débarquement du tout IP sur le mobile (NGN, interopérabilité des réseaux, quadruple play, etc.), la démultiplication des terminaux embarquant des fonctions de communication (Ipods, Iphones, Ipads, etc.), le boom de l'industrie du contenu (le multi-canal & le multi-accès en vogue), l'adaptabilité des solutions qui tiennent compte du contexte socioéconomique (micro-recharges, micro-paiement & transfert d'argent, etc.), illustrent bien à plus d'un titre le manifeste que l'humanité a changé d'ère. De nos jours en effet, il apparaît qu'on vit dans une planète qui non seulement communique plus et différemment ; mais où on revoit nos organisations dans une recherche effrénée d'une perpétuelle adaptation aux péréquations entraînées par les nouvelles technologies, elles-mêmes innovantes par effet d'entraînement à leur tour pour l'ensemble du tissu socioéconomique. Il suffit à ce propos de citer l'agriculteur qui est devenu à même de programmer à distance, via son mobile, l'irrigation de son champ tout en en paramétrant tant le débit que la fréquence d'irrigation moyennant adressage et émulation à distance des sondes qu'il aura préalablement clairsemées dans son champ et interconnectées au réseau IP. Tel est le cas également du proprio qui télé-surveille son domicile via son mobile, tout en étant en vacances à l'autre bout du monde… Cette myriade d'applications technologiques nouvelles ont été rendues possibles par le progrès et l'innovation technologiques qui ont apporté davantage d'eau au moulin de la dynamique qu'est l'innovation dans le secteur TIC, laquelle a fini par s'imposer comme le nouvel atout de toute économie qui se veuille, voire se doive de décider de son avenir dès aujourd'hui. Source de richesses Ainsi, assiste-t-on de plus en plus, et de manière de plus en plus prononcée, à des bouleversements des ‘business models' des économies open door où la fonction innovation est devenue non seulement axiale mais aussi le vecteur pivot incontournable dans la matrice de Recherche & Développement en matière technologique, et s'étendant au-delà à l'ensemble de l'édifice économique et sociétal. C'est ce que soutient effectivement le ministre des Technologies de la Communications, M. Mohamed Naceur Ammar, dans son allocution faite le 30 mai 2010, à Paris, lors de la 19e édition du Forum de l'Atuge en ces termes : ‘‘…nous vivons, en effet, un bouleversement de la hiérarchie scientifique, technologique et économique ... L'innovation n'est plus l'apanage des pays les plus avancés. La principale source de création de richesse réside désormais, davantage, dans les savoirs et les compétences, que dans les ressources naturelles. La compétitivité des entreprises, et au-delà celle des nations, repose fondamentalement sur les capacités à créer et à utiliser d'une façon optimale les connaissances. Ces capacités conditionnent largement les performances en termes de croissance, de revenus et de création d'emplois.'' C'est ainsi qu'en Tunisie, des batteries de mesures tant de mise en valeur que d'accompagnement et de guidance ont été confectionnées dans une logique cohérente d'ensemble pour servir à bon escient l'émulation et l'encadrement idoine de la RDI. C'est ainsi que fut mise sur pied toute une panoplie d'instruments et divers mécanismes proactifs brassant large, et qui vont de la structuration laborantine de RDI au déploiement de nombre de pépinières et technopoles (Technopole de Tunis, Technopole de Sfax, Sousse Techno-City …) érigés en réservoirs synergétiques de connaissances savamment articulés et ouverts sur l'environnement entrepreneurial et couplés à une politique de financement (Foprodi, BFPME, …) aguerrie des enjeux stratégiques que représente l'innovation en tant que levier de croissance et de compétitivité économique. La décision lors du Conseil ministériel, réuni vendredi 22 octobre, dans le cadre de la mise en place du pacte de développement et de promotion technologique, ordonnée par le Chef de l'Etat, et portant, entre autres décisions phares, sur l'extension, à partir de 2011, de la sphère du Prix présidentiel de la qualité rebaptisé désormais "Prix du Président de la République de la qualité et de l'innovation" pour englober ainsi l'innovation, étoffe à elle seule la consécration la plus solennelle de l'importance que le Chef de l'Etat confère à l'innovation technologique. En outre, et dans le même ordre d'idées, l'autre décision du Chef de l'Etat consacrant le renforcement et la dynamisation des mécanismes de financement de l'innovation dans le secteur industriel, à l'instar du Fonds commun de placement à capital risque dans le domaine de l'innovation et de la modernisation technologique et la dynamisation des deux mécanismes de la prime d'investissement dans la recherche-développement et le Programme National de Recherche et d'Innovation, vient-elle conforter cette orientation stratégique. En matière de TIC, le tempo sur le rôle et l'importance de l'innovation a été donné sans ambages par le ministre des Technologies de la Communication, dans son allocution d'ouverture du Forum ICT'In 2010 tenu le 1er octobre 2010 à Tunis: ‘‘… le savoir et l'innovation devront avoir raison des obstacles et des difficultés qui se dressent sur le chemin de la croissance…'' Croissance durable Pour ce qui est de la part prise par les opérateurs des télécommunications de la place dans ce relais de croissance que représente la RDI, le triplet du marché tunisien procède du même piédestal de maturation acquise que représente l'impérieuse ouverture des Telcos sur leur écosystème. Les heads des 3 Telcos tunisiens ont révélé leurs visions respectives en la matière, en marge des travaux du forum précité. Il en ressort que Tunisiana opte, pour sa part, pour l'initiation de projets de recherches avec les universités, telle pour l'heure, l'Enit. En revanche, Tunisie Telecom adopte de son côté une démarche autour d'une vocation qui est celle d'atteler les acteurs ICT au dispositif de la RDI en harmonie avec les orientations nationales en la matière en finançant des projets innovants, notamment via sa Diva Sicar, créée pour servir au mieux ce dessein. En revanche, Orange, forte à la fois de son potentiel et de son expérience très soutenables et reconnus à l'échelle mondiale en matière de RDI ainsi que de la convention qu'elle a conclue avec l'école Sup'Com, fonde sa vision de l'innovation sur la recherche coopérative axée sur l'objectif d'une «technologie pacifiée» moyennant, d'un côté, le financement de thèses effectuées en Tunisie et pilotées par Orange Labs avec accueil possible alterné dans les laboratoires Orange Labs en France, et, d'un autre côté, le ciblage et l'identification de laboratoires et d'organismes clés dans une perspective d'évolution vers des partenariats stratégiques pluriannuels et multithématiques avec financement desdits programmes de recherche. Au demeurant, la conception et le développement d'un contenu local de label tunisien constituent déjà un domaine promis à de très beaux jours en Tunisie, notamment avec le démarrage de la 3G . Alors, notre souhait sera que nos chercheurs/développeurs/innovateurs nous surprennent agréablement ! Le caractère impérieux et l'enjeu liés à l'innovation technologique sont d'autant plus importants que «…l'innovation est désormais la clé pour répondre aux enjeux de la concurrence tant au niveau national qu'international. Notre conviction est que le secteur des technologies de l'information et de la Communication doit s'engager dans une politique d'innovation pour assurer une croissance durable…» En somme, l'on peut dire, comme l'a bien signifié M.Hédi Djilani, président de l'Utica, que «… le triptyque "qualité-coût-délai" n'est plus suffisant pour demeurer compétitif, l'innovation est désormais le 4e et principal facteur de compétitivité et de différenciation …».