Les célébrations de Sidi Ali Lasmar sont toujours très suivies : mouldia, chaâbania, et autres dates consacrées drainent un public fidèle. Dès Bab Jédid, les rythmes du gombri et des chkacheks vous accueillent. Nous sommes à Sidi Ali Lasmar, fief de Ryadh Zawech, et de la confrérie de stambéli. Une des dernières des 14 diars qui avaient été créées lors du décret d'abolition de l'esclavage, quand ces Africains venus du Tchad, du Niger et du Mali choisirent de rester en Tunisie, un pays qui avait su les accueillir et les retenir. C'était il y a longtemps, mais la mémoire est têtue, et les rites persistent. A Sidi Ali Lasmar, ce culte qui avait importé son panthéon, ses célébrations, sa musique et ses danses a pris le visage politiquement correct d'une association culturelle, «L'Association pour la culture du stambéli». Une culture que Ryadh Zawech, président de l'association, et chef de la troupe dont il est une des vedettes, ne cesse de porter à bout de bras, luttant pour sa reconnaissance, son inscription dans le corpus des musiques tunisiennes, et son intégration aux différents festivals. Ce n'est pas toujours aisé, le stambéli gardant une certaine odeur de soufre : les rythmes lancinants, le langage hermétique, la transe qu'il engendre, tout ceci crée peut-être une aura de méfiance, mais aussi, paradoxalement, un irrésistible attrait. Les célébrations de Sidi Ali Lasmar sont toujours très suivies : mouldia, chaâbania, et autres dates consacrées drainent un public fidèle. Sans parler des voisins qui tous participent activement à l'événement, se proposant pour venir repeindre la zaouia quand cela est nécessaire, laver les nattes, faire la cuisine, servir le thé, dans une convivialité joyeuse et chaleureuse. Ce soir de mouldia, le patio éclatant de blancheur, chamarré des couleurs des tentures et rideaux, affichait complet. Le cérémonial avait commencé dès l'après-midi, ne s'interrompant que le temps du dîner. La table de Sidi Ali Lasmar est réputée car les adeptes se disputent à qui préparera le meilleur couscous ou la madfouna la plus goûteuse. Le public est hétéroclite. Ce soir-là, une équipe de cinéma était sur place pour tourner un court métrage, un calligraphe tunisien vivant en suisse et parlant iranien écrivait le nom des dames sur leur main, des jeunes qui avaient un moment tourné le dos au stambéli venaient se réapproprier cette musique ancestrale. Les gens se souriaient sans se connaître et communiaient dans une chaleureuse proximité. La nuit fut longue et bien belle. Le lendemain, Ryadh Zawech et sa troupe partaient pour Paris puis pour la Hollande où on les sollicitait pour des spectacles.