Abdellatif Aybi, secrétaire général du Syndicat de l'enseignement secondaire d'El Omrane, a livré sa vision sur le conflit qui oppose son syndicat rattaché à la Fédération de l'enseignement secondaire au ministère de l'Education. Que signifie cette journée de colère dans ce feuilleton de la crise de l'enseignement secondaire ? Cette journée de colère intervient en réponse aux positions et aux agissements du ministère de l'Education et notamment du ministre Hatem Ben Salem, ayant porté atteinte à la dignité et aux droits des enseignants. Notre activité et notre mobilisation sont malheureusement liées aux élèves et à leurs parents, et c'est le point qu'a utilisé le ministère pour nous dénigrer. Il nous accuse d'avoir pris en otage le destin des élèves alors qu'il n'en est rien. Durant nos protestations, nous avons appelé les enseignants à poursuivre les cours et à faire prévaloir l'intérêt des élèves. Les établissements éducatifs et les délégations de l'enseignement ont été fermés sur ordre de ce ministre. Nos revendications sont légitimes, et cette journée de colère est une occasion pour exprimer notre ras-le-bol. Vos revendications consistent essentiellement en des améliorations salariales, fait qui pourrait nuire à votre cause. Qu'en pensez-vous ? Ce n'est pas vrai, il ne faut pas résumer nos revendications dans les augmentations salariales et les primes, c'est beaucoup plus important que ça. Ce que nous refusons catégoriquement, c'est la diminution du budget du ministère de l'Education et l'absence de réformes au niveau de l'infrastructure des établissements éducatifs tunisiens. Venez voir l'état des toilettes dans tous les lycées même de la capitale Tunis, c'est catastrophique. Les toilettes sont toujours fermées et nous constatons, au quotidien, des risques sanitaires. Inutile de parler et de rappeler l'état des lycées dans les régions intérieures. Les programmes éducatifs sont pleins d'erreurs pédagogiques et scientifiques et j'en ai les preuves. Moi en tant qu'enseignant de langue française, je constate toujours des erreurs de ce genre, et je suis contraint parfois de supprimer des chapitres tellement il y a de fautes. Même les épreuves du baccalauréat sont parfois erronées. Nous appelons à ce que des réformes soient opérées dans l'immédiat dans tout le secteur de l'enseignement, c'est un grand dossier à ouvrir, et ce n'est pas seulement une question de revendications salariales. Avez-vous une solution pour pouvoir faire passer les examens dans de bonnes conditions ? La question des examens n'a jamais été un problème ni pour le cadre d'enseignement ni pour les élèves. Nous ne cherchons que l'intérêt de l'élève, et d'un point de vue pédagogique, nous envisageons différentes solutions pour faire passer les examens et rattraper ce retard. C'est l'enseignant qui prépare l'examen et qui le corrige, le ministre, lui, n'a aucun droit de s'ingérer dans cette question. A cet égard, nous revendiquons des négociations sérieuses avec le ministère, et pour les examens, nous envisageons des solutions efficaces, mais c'est le ministère qui veut approfondir la crise. Une journée de colère et après ? Je le dis haut et fort, si après cette journée de colère rien n'est résolu, d'autres formes de protestation sont en vue, et nous n'avons pas de lignes rouges. L'année dernière, nous avons réussi à achever l'année scolaire en évitant une année blanche, et le ministère a su qu'il s'agissait de notre talon d'Achille, mais pour cette année, personne ne sait. La crise se poursuit aujourd'hui en dépit du changement de l'ancien ministre Néji Jalloul, ne pensez-vous pas que la fédération en est, en quelque sorte, responsable ? Oui nous sommes responsables, parce que nous n'avons pas tranché dès le début. La situation de l'enseignement secondaire et la défaillance de l'infrastructure remontent aux années 90. De quel prestige de l'Etat sommes-nous en train de parler ? Comment une telle situation peut-elle se poursuivre tout au long de ces années au détriment des droits des élèves et des enseignants ? Les responsables se sont succédé au ministère de l'Education et la situation est toujours inchangée. Nous allons de mal en pis, des choix ont été opérés sans aucune vision stratégique, des programmes éducatifs défaillants, le niveau des élèves ne cesse de se détériorer, où allons-nous ? Le système éducatif tunisien n'est plus valable. Ce n'est pas une question de personnes, ni de noms, mais une dernière chose à dire. Le peuple tunisien a fait sa révolte contre les ministres de Ben Ali, dont le dernier était Hatem Ben Salem. Aujourd'hui, ce ministre est revenu pour se venger, et je suis responsable de ce que je suis en train de dire.